Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

noître chaque race de raisin, de démontrer, par l’expérience, le genre de terrain et l’exposition qui conviennent plutôt à l’une qu’à l’autre ; de déterminer la culture et la taille propres à telle ou telle espèce ; de faire connoître l’espèce de raisin qui mûrira plus complètement, et donnera un meilleur vin, soit au nord, soit au centre, soit au midi de la France ; le degré de fermentation qu’exige dans la cuve chaque espèce de raisin ; quelle qualité de vin résulteroit de telle ou telle espèce mise séparément en fermentation ; dans quelle proportion on doit mélanger telle ou telle espèce de raisin, pour obtenir un vin d’une qualité supérieure, ou susceptible d’être long-temps conservé ; enfin, quelle espèce de raisin fournit la meilleure eau-de-vie, et en plus grande quantité. Telles étoient les vues de Rozier : voici, pour les remplir, les moyens qu’il se proposoit d’employer. Il nous paroît d’autant plus convenable de les publier dans leurs détails, qu’ils pourroient servir de guide aux personnes éclairées qui auroient le courage de marcher sur les traces de cet homme estimable.

« 1°. Je sacrifierai, écrivoit-il à l’ancien intendant de Guyenne, Dupré de Saint-Maur qui partageoit ses goûts et ses sentimens, je sacrifierai tout le terrein nécessaire à cette opération, au moins six arpens. 2°. Je ferai venir, de deux cents vingt endroits, toutes les espèces de raisins qu’on y cultive. 3°. Pendant les six premières années, je ne pourrai faire autre chose qu’établir, d’une manière invariable, la synonymie des raisins, pour toute la France : voici mes procédés :

1°. Planter, province par province, les crossettes que je recevrai. Au pied de chaque crossette enfoncer une palette de bois, sur laquelle sera écrit le nom donné dans l’endroit à l’espèce de raisin ; et ajouter un numéro à côté. Le même nom et le même numéro seront inscrits sur un registre à six colonnes. 2°. Je suppose les crossettes plantées dans le courant du mois de décembre 1780. Aucune observation ne sera faite en 1781 : c’est l’année de la reprise de la vigne. 3°. En 1782, commencer trois tailles différentes et faites en différentes terres sur les six crossettes plantées. 4°. En tenir une note sur le registre général, marquer l’époque où la vigne a commencé à pleurer, à bourgeonner, le bouton à s’épanouir ;. enfin, décrire botaniquement la forme de la feuille. 5°. En 1783, reprendre les mêmes observations, les comparer avec celles de l’année précédente et les inscrire sur le registre général. En 1784, revenir sur ses pas et observer, comme dans les années précédentes. Mais le bois est formé, les feuilles ont un caractère décidé ; ainsi on doit tâcher, par les feuilles seules et par le bois, de distinguer toutes les espèces des différens cantons de la France. 7°. En 1785, toujours répéter les observations de l’année précédente. Ici, la fleur paroît, le raisin mûrit : c’est le cas de déterminer les espèces, d’établir les