Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/279

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d’épaisseur, et le banc de terre légère, aréneuse et infiltrante n’est pas éloigné de la surface ; autrement le raisin n’y mûriroit pas. À cette latitude qui est entre le 48 et le 49e. degré, l’action des rayons solaires est bien moins puissante que dans le territoire de Téhéran pour opérer la prompte évaporation de l’humidité : aussi les plantes y sont rarement en souffrance. Il est présumable d’ailleurs que le dépôt souterrain des eaux y tient la place qu’il doit occuper, pour la renouveller dans une proportion convenable pour la nourriture de la plante et pour la maturité du raisin, puisqu’on y récolte de bons vins. Sur une ligne presque parallèle, mais cependant un peu plus méridionale, à Bellay-Montreuil près Saumur, dans le ci-devant Anjou, il existe un vignoble en terre plus forte encore que celle dont nous venons de parler, et dont les vins ont de la qualité. Je pourrois citer cent exemples de vignes qui ont de la réputation ou qui méritent d’en avoir et qui croissent dans des terres dont la première couche a suffisamment de consistance ou de liaison pour produire de bonnes récoltes de blé : ce qui ne peut être attribué qu’aux dispositions des couches inférieures et à leurs effets sur la couche supérieure : ce qui prouve aussi que ce ne sont pas les terres infertiles proprement dites, qui conviennent le mieux à la culture de cette plante. Passons aux abris, considérés

    plantation ou sur le bois de pareil âge des vieilles vignes, que des circonstances particulières ont forcé de renouveller, et les coupant au rez-terre. Un bois plus vieux ne se prêteroit que difficilement à prendre le pli qu’on est obligé de lui donner pour le coucher ; d’ailleurs le bois des jeunes vignes ou le jeune bois des vieilles vignes, étant plus poreux, plus dilaté que celui des vignes anciennes, contient beaucoup plus d’humidité, et par cela même est d’autant plus sensible aux gelées ou susceptible d’être gelé.

    On coupe d’abord tous les liens qui attachent la vigne à l’échalas ; on émonde légèrement le cep, on le courbe à huit ou dix centimètres de terre, et avec les plus grandes précautions, pour éviter les déchirures et les plaies. Après l’avoir couché, on le fixe avec des crochets de bois, et on le couvre ou de paille de blé ou de seigles, ou avec de vieilles tiges de fèves de marais. On donne autant qu’il est possible, la préférence à cette dernière matière, parce qu’ayant plus de corps, elle se tient plus aisément soulevée. Les vignerons les plus économes ou les moins aisés se contentent de jetter quelques pelletées de terre sur les ceps couchés. Cette manière a peu d’inconvéniens quand l’hyver est sec ; mais s’il est pluvieux, le bois s’attendrit ; il devient plus sensible aux gelées du printems et s’affoiblit quelquefois tellement, qu’on est obligé de le renouveller dès l’année suivante. Quelquefois aussi le vigneron attend la neige, et avant qu’elle ait été durcie par la gelée, il couche et fixe les tiges et les sarmens sur la terre, et se contente d’amonceler sur eux quelques tas de neige. Ce dernier procédé ne réussit pas moins que les autres quand l’hyver se passe sans de fréquentes alternatives de gelées et de dégels. Dans tous les cas, au retour des vents qui annoncent le printems, on arrache les piquets, on soulève légèrement les ceps et on les abandonne pendant huit ou dix jours, à l’action de l’air qui les sèche ; on achève ensuite de les redresser pour les tailler et les rattacher aux échalas.