Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/313

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application, plus encore dans l’exercice de la taille que dans toutes les autres façons dont se compose la culture de la vigne. Faut-il tailler court ou long, laisser peu ou beaucoup de coursons ? On ne peut se régler à cet égard que sur les climats, les expositions, la nature des terrains, la vigueur plus ou moins grande des sujets, la qualité particulière du bois suivant la température de l’année et les événemens de l’année précédente. On doit considérer l’âge des vignes, la distance des ceps, la nature et l’espèce des raisins. En Bourgogne, le taurillon ne veut pas être taillé comme le gamet ; en Guienne, la folle et le muscat demandent chacun un genre particulier de taille. La vigne trop chargée s’épuise bientôt ; trop déchargée, elle ne produit que du bois. Dans nos climats chauds du midi un cep de vigne moyenne, élevé d’un mètre cinq à six décimètres, éloigné dans la même proportion des autres ceps, garni de trois ou quatre branches mères qui lui donnent la figure d’un triangle ou celle d’un cul-de-lampe, peut supporter cinq ou six flèches sur chacune de ses branches, et chacune de ces flèches peut être garnie sans inconvénient de quatre à six yeux. Les vignes basses dont l’espacement est beaucoup moindre et dont la tige ne doit être divisée qu’en deux parties, est assez chargée de deux ou trois flèches sur chaque branche ; chaque flèche portant un, deux et trois yeux, selon la grosseur du bois et sa franchise. Le cep de la vigne naine n’est point bifurqué ; il est moins espacé ; il ne présente que la forme d’un arbrisseau ; trois ou quatre flèches taillées à un ou deux yeux seulement, sont une charge proportionnée à ses forces. Une vigne vieille demande les mêmes soins, la même attention que si elle étoit encore dans l’enfance ; elle veut être taillée court et souvent ravalée. Le besoin de la rajeunir donne un grand prix aux jets, quoique d’abord stériles, qui naissent vers le bas de la souche ; on ne peut apporter trop de soins à leur conservation, puisque quand on est obligé de rabaisser, c’est sur leur seul produit que repose tout l’espoir du vigneron. Non seulement la vieillesse, mais le nombre des accidens auxquels la vigne est exposée, fait souvent une loi de cette mesure. Par exemple, qu’une vigne ait été entièrement maltraitée par la gelée, et qu’on ne puisse plus compter sur ses arrières bourgeons, on coupera jusque sur la souche l’ancien et le nouveau bois. Des vers blancs auront attaqué et rongé la racine ; la vigne aura jauni et dépéri ; on ne peut être alors trop attentif à la tailler court. Si dans l’année même, des gelées de floréal et de prairial ont fatigué ou détruit les bourgeons, il faut ravaler sur ceux qui sont restés sains, et l’année suivante rabattre sur le seul bon bois qui a poussé des sous-yeux ou qui a percé de la souche. Si au contraire l’année précédente la vigne a coulé, et que la sève n’ayant point été employée à produire du fruit, ait fait des pousses démesurées, on ne risque rien alors de l’allonger et de