pacée partout, comme il le prescrit, le raisin ne mùriroit pas dans les deux tiers de nos vignobles. Il faut donc avoir recours à d’autres moyens, du moins pour les pays où celui-ci est impraticable. Nous avons taché de recueillir ceux qui ont été mis en usage jusqu’ici avec quelque succès, pour les présenter au lecteur. Tous ne sont pas également satisfaisans ; mais on n’en peut espérer de meilleurs que du tems, des remarques et du zèle des bons observateurs,
Les accidens les plus graves, occasionnés par l’intempérie des saisons, sont les gelées du printemps et la coulure. Ceux qui sont l’effet des déchirures aux racines, des blessures aux tiges, d’une sève surabondante, doivent être attribués à la négligence, à la maladresse ou à l’aveugle cupidité des hommes ; la voracité de quelques insectes donne lieu aux autres.
« Les gelées sont aucunement destournées de la vigne, dit Olivier de Serres, si en les prévenant on fait, en plusieurs lieux d’icelle, des grosses et espesses fumées auec des pailles humides et des fumiers demi-pourris, lesquelles rompans l’air dissolvent ses nuisances ».
Plusieurs personnes ont fait, de nos jours, cette expérience, et elle a pleinement réussi. Voici les détails du procédé qu’emploie le citoyen Jumilhac, l’un de nos cultivateurs les plus éclairés. La gelée n’étant vraiment dangereuse, que lorsque le soleil levant frappe sur les nouveaux bourgeons de la vigne et les brûle, ce grand art est de diriger la fumée de manière à intercepter ses rayons jusqu’à ce que l’atmosphère soit assez échauffée pour résoudre la gelée en rosée.
La vigne du citoyen Jumilhac, située dans le département de Seine-et-Oise, entre Orléans et Paris, est exposée à l’ouest ; une montagne de sablons la garantit de l’est ; au nord, elle a un mur pour abri, et elle est ouverte au midi. Le propriétaire fait ramasser des herbes et des roseaux ; on les mêle avec de mauvais foin et de la paille mouillée ; on en forme, vers l’est, des rondes de cinquante en cinquante pas ; on en place de même dans les allées intérieures de la vigne et le long de ses bords. Le propriétaire fait veiller quand il présume que le froid du matin peut être redoutable ; si la rosée n’est pas sensible vers le milieu de la nuit, c’est un pronostic certain de la gelée. Alors une heure avant le lever du soleil, il fait mettre le feu aux tas d’herbes ; on a soin de leur faire donner peu de flamme, mais beaucoup de fumée. Si le vent souffle, il vient ordinairement du nord-ouest ou du nord-est. On porte alors toute l’attention de ce côté, afin que la fumée se répande sur tous les points de la vigne. S’il ne fait point de vent, on ne s’occupe qu’à former beaucoup de fumée du côté de l’est, pour combattre les rayons du soleil. Le 23 mai 1793, le citoyen Jumilhac lutte contre eux, depuis trois heures du matin jusqu’à huit heures, sans que le soleil pût pénétrer dans sa vigne. La fumée étoit si épaisse