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que les habitans d’un village éloigné de sa demeure d’environ trois kilomètres, n’appercevoient le soleil que comme on le voit quand il est prêt à percer un nuage. Pour constater, de la manière la plus certaine, l’effet de cette expérience, le citoyen Jumilhac avoit privé de la fumée une planche entière de sa vigne, adossée au mur qui la garantit du nord. Aucun bourgeon de cette partie n’échappa au désastre de la gelée, et ceux du surplus furent presque tous conservés. Cependant ce vignoble gela en entier, le 31 mai de la même année, parce que la personne qui avoit été chargée de veiller, crut appercevoir de la rosée, à une heure du matin ; elle se reposa sur cette apparence, s’endormit et se réveilla trop tard pour combattre le fléau.

Ce moyen de la fumigation contre la gelée est pénible et coûteux à employer ; cela est vrai : il suppose une vigilance constante, beaucoup de sagacité, un zèle vraiment actif ; mais son effet est certain. Nous n’en pouvons pas dire autant des expédiens qui ont été employés jusqu’ici pour prévenir la coulure. Cependant, il est bon d’observer que l’époque de l’ébourgeonnement peut contribuer puissamment à la prévenir ou à la favoriser.

Les étamines constituent les parties mâles de la génération des plantes, et le pistil, les parties femelles. Les unes et les autres sont placées, dans la vigne, au centre de la même corolle. C’est de l’union des sexes que résulte la fructification ; et pour que cette union s’opère parfaitement, la ténuité des parties exige les circonstances les plus favorables dans le temps. Une pluie longue et froide, un vent impétueux et chaud, le dérangent nécessairement. Le froid resserre toutes les parties de la génération ; l’eau empâte les unes et bouche les autres ; la chaleur dessèche les vapeurs fécondantes, le vent les entraîne et les disperse. Dans l’un ou l’autre de ces cas, la fleur avorte, et l’avortement de la fleur produit toujours la coulure. Quand cet accident est produit par la cause dont nous venons de parler, il n’est aucun moyen de le prévenir ou de le réparer ; il faut se soumettre, et n’attendre de dédommagement que de la récolte subséquente. Mais il n’arrive que trop souvent, sur-tout dans la vigne, que la coulure a lieu, même après la fécondation parfaite ; c’est-à-dire, que le fruit étant noué, se détache du petit pédoncule par lequel il tient à la rafle, et disparoît. Cet accident est l’effet d’une végétation trop active, ou d’une sève trop abondante. Cette sève, portée avec violence et rapidité vers les parties très-délicates de la grappe, ne donne pas le temps aux embryons de se l’approprier ; elle les chasse, pour ainsi dire, comme par l’effet d’une impulsion spontanée, et les remplace en se changeant, et en se prolongeant en bois. Cette théorie paroit évidemment confirmée par l’expérience suivante. Aussitôt que les fruits d’un cep sont noués, enlevez adroitement, avec une petite lame bien tranchante, sur le vieux