Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/368

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

allons établir en parlant de chacune de ces causes en particulier, reçoivent beaucoup d’exceptions : on le sentira facilement si l’on réfléchit que l’action de l’une de ces causes peut être contrariée par la réunion de tous les autres agens qui masquent ou détruisent son effet naturel. Ainsi la bonté du sol, la convenance du climat, la qualité, de la vigne peuvent contrebalancer l’effet de l’exposition, et présenter du bon vin là où, d’après l’exposition considérée isolément, on le jugeroit devoir être de mauvaise qualité. Mais nos principes n’en sont pas moins rigoureux ; et la seule conséquence qu’on peut tirer de ces contradictions apparentes, c’est que pour avoir le vrai résultat, il faut tenir compte de l’action de toutes les causes influentes et les considérer comme les élemens nécessaires du calcul,


Article Ier.

Du vin considéré dans ses rapports avec le climat.

Tous les climats ne sont pas propres à la culture de la vigne : si cette plante croit et paroît végéter avec force dans les climats du Nord, il n’en est pas moins vrai que son fruit ne sauroit y parvenir à un degré de maturité suffisant ; et il est une vérité constante, c’est qu’au-delà du 50e. degré de latitude le suc du raisin ne peut pas éprouver une fermentation qui le convertisse en une boisson agréable.

Il en est de la vigne par rapport au climat, comme de toutes les autres productions végétales. Nous trouvons vers le Nord une végétation vigoureuse, des plantes bien nourries et très-succulentes, tandis que le Midi ne nous offre que des productions chargées d’arome, de résine et d’huile volatile : ici tout se convertit en esprit ; là tout est employé pour la force. Ces caractères très-marqués dans la végétation se répètent jusques dans les phénomènes de l’animalisation, où l’esprit, la sensibilité paroissoit être l’apanage des climats du Midi, tandis que la force paroît être l’attribut de l’habitant du Nord.

Les voyageurs anglois ont observé que quelques végétaux insipides du Groenland acquéroient du goût et de l’odeur dans les jardins de Londres. Reynier a va que le mélilot qui a une odeur pénétrante dans les pays chauds n’en conservoit aucune en Hollande. Tout le monde sait que le venin très-exalté de certaines plantes et de plusieurs animaux s’éteint et s’émousse progressivement dans les individus qui se nourrissent dans des climats plus voisins du Nord.

Le sucre lui-même paroît ne se développer d’une manière complette dans quelques végétaux que dans les pays chauds ; la canne à sucre cultivée dans nos jardins ne fournit presque plus de principe sucré ; et le raisin est lui-même aigre, âpre ou insipide au-delà du 50e. degré de latitude.

L’arome ou le parfum du raisin, ainsi que le principe sucré, sont donc le produit d’un soleil pur