Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/388

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Il suit de cette vérité fondamentale que non-seulement l’on doit employer les moyens convenables pour fouler les raisins, mais que l’opération ne sera parfaite qu’autant que tous les grains le seront également ; sans cela la fermentation ne sauroit marcher d’une manière uniforme : le suc exprimé termineroit sa période de décomposition avant même que les grains qui ont échappé au foulage eussent commencé la leur ; ce qui dès lors présenteroit un tout dont les élémens ne seroient plus en rapport. Cependant si on examine le produit du foulage déposé dans une cuve, on se convaincra facilement que la compression a été toujours inégale et imparfaite, et il suffit de réfléchir un instant sur les procédés grossiers employés pour fouler le raisin, pour ne plus s’étonner de l’imperfection même des résultats.

Il paroît donc que pour donner à cette portion très intéressante du travail de la vendange le degré de perfectionnement convenable, il faudroit soumettre à l’action du pressoir tous les raisins à mesure qu’on les transporte de la vigne. Le suc en seroit reçu dans une cuve, et là on l’abandonneroit à la fermentation spontanée. Par ce seul moyen, le mouvement de décomposition s’exerceroit sur toute la masse d’une manière égale ; la fermentation seroit uniforme et simultanée pour toutes les parties, et les signes qui l’annoncent, l’accompagnent ou la suivent ne seroient plus troublés ni obscurcis par des mouvemens particuliers.

Sans doute le moût débarrassé de son marc et de la grappe, produiroit un vin moins coloré, plus délicat et d’une conservation plus difficile mais si les inconvéniens surpassoient les avantages de cette méthode, il seroit aisé de les prévenir en mêlant le marc exprimé avec le moût.

C’est par une suite des principes que nous venons de développer, que l’on doit avoir l’attention de remplir la cuve dans vingt heures. En Bourgogne, les vendanges se terminent dans quatre ou cinq jours. Un tems trop long entraîne le grave inconvénient d’une suite de fermentations successives, qui, par cela seul, sont toutes imparfaites : une portion de la masse a déjà fermenté que la fermentation commence à peine dans une autre portion. Le vin qui en résulte est donc un vrai mélange de plusieurs vins plus ou moins fermentés. L’agriculteur intelligent et jaloux de ses produits doit donc déterminer le nombre des vendangeurs, d’après la capacité connue de sa cuve ; et lorsqu’une pluie inattendue vient suspendre les travaux de sa récolte, il doit laisser fermenter séparément ce qui se trouve déjà ramassé et déposé dans la cuve, plutôt que de s’exposer quelques jours après à en troubler les mouvemens et à en altérer la nature par l’addition d’un moût aqueux et frais.


CHAPITRE IV.

De la fermentation.

Le moût n’est pas encore dans