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la cave qu’il commence à fermenter ; celui qui s’écoule du raisin par la pression ou les secousses qu’il reçoit dans le transport travaille et bout avant qu’il soit parvenu dans la cuve : c’est un phénomène dont on peut aisément se rendre témoin en suivant les vendangeurs dans les climats chauds, et examinant avec attention le moût qui sort du raisin et reste confondu avec lui dans le vase qui sert à le transporter.

Les anciens séparoient avec soin le premier suc qui ne peut provenir que des raisins les plus mûrs, et coule naturellement par l’effet de la plus légère pression exercée sur eux. Ils le faisoient fermenter séparément et en obtenoient une boisson délicieuse qu’ils appelloient Protopon. Mustum spontè defluens, antequam calceniur uvœ. Baccius nous a décrit un procédé semblable pratiqué par les Italiens : qui primus liquor, non cal calcatis uvis defluit, vinum efficit virgineum, non inquinatum sœcibus, lacrymam vacant Itali, cito potui idoneum fit et valdè utile. Mais cette liqueur-vierge ne forme qu’une partie du suc que le raisin peut fournir, et il n’est permis de le traiter séparément que lorsqu’on veut obtenir un vin peu coloré et très-délicat. En général, on mêle cette première liqueur avec le reste du produit du foulage, et on livre le tout à la fermentation.

La fermentation vineuse s’exécute constamment dans des cuves de pierre ou de bois. Leur capacité est, en général, proportionnée à la quantité de raisins qu’on récolte dans un vignoble. Celles qui sont construites en maçonnerie sont, pour l’ordinaire, fabriquées avec de la bonne pierre de taille ; et les parois à intérieures en sont souvent revêtues d’un contre-mur bâti en briques liées et assemblées par un ciment de pouzzolane ou de terre-d’eau-forte. Les cuves en bois demandent plus d’entretien, reçoivent les variations de température avec plus de facilité et exposent à plus d’accidens.

Avant de déposer la vendange dans une cuve, ou doit avoir l’attention de la nettoyer avec le plus grand soin : ainsi on lave la cuve avec de l’eau tiède, on la frotte fortement et on en enduit les parois avec de la chaux à deux ou trois couches. Cet enduit a l’avantage de saturer une partie de l’acide malique qui existe abondamment dans le moût, ainsi que nous le verrons par la suite.

Comme tout le travail de la vinification se fait dans la fermentation, puisque c’est par elle seule que le moût passe à l’état de vin, nous croyons devoir envisager cette question importante, sous plusieurs points de vue. Nous nous occuperons d’abord des causes qui contribuent à produire la fermentation ; nous examinerons ensuite ses effets ou son produit, et nous terminerons par déduire de nos connoissances actuelles, quelques principes généraux qui pourront diriger l’agriculteur dans l’art de la gouverner.