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Art. Ier.

Des causes qui influent sur la fermentation.

Il est reconnu que, pour que la fermentation s’établisse et suive ses périodes d’une manière régulière, il faut des conditions que l’observation nous a appris à connoître. Un certain degré de chaleur, le contact de l’air, l’existence d’un principe doux et sucré dans le moût, telles sont, à peu près, les conditions jugées nécessaires. Nous tâcherons de faire connoître ce qui est dû à chacune d’elles.


I°. Influence de la température de l’atmosphère, sur la fermentation.

On regarde assez généralement le dixième degré du thermomètre de Réaumur comme celui qui indique la température la plus favorable à la fermentation spiritueuse : elle languit au-dessous de ce degré, et elle devient trop tumultueuse au-dessus. Elle n’a même pas lieu à une température trop froide ou trop chaude. Plutarque avoit observé que le froid pouvoit empêcher la fermentation, et que celle du moût étoit toujours proportionnée à la température de l’atmosphère (quest. nat. 27). Le chancelier Bacon conseille de plonger les vases contenant le vin, dans la mer, pour en prévenir la décomposition ; et Boile rapporte (dans son traité du froid) qu’un français, pour garder son vin à l’état de moût, et lui conserver cette douceur qui plaît à certaines personnes, le mettoit dans des tonneaux, au sortir du pressoir, fermoit hermétiquement le tonneau, et le plongeoit dans un puits ou une rivière. Dans tous ces cas, non-seulement on tenoit la liqueur dans une température peu favorable à la fermentation ; mais on la garantissoit du contact de l’air ; ce qui éteint ou au moins modère et ralentit la fermentation.

Un phénomène extraordinaire, mais qui paroît constaté par un assez grand nombre d’observations, pour mériter toute croyance, c’est que la fermentation est d’autant plus lente que la température est plus froide, au moment où se font les vendanges. Rozier a vu, en 1769, que du raisin cueilli les 7, 8 et 9 octobre, est resté dans la cuve jusqu’au 19, sans qu’il parût le moindre signe de fermentation ; le thermomètre avoit été le matin à un degré et demi au dessous de zéro, et s’étoit maintenu à +2. La fermentation n’a été complette que le 25, tandis que de semblables raisins, récoltés le 16, à une température beaucoup moins froide, ont terminé leur fermentation les 21 ou 22. Le même fait a été observé en 1740.

C’est d’après tous ces principes qu’on conseille de placer les cuves dans des lieux couverts ; de les éloigner des endroits humides et froids ; de les recouvrir pour tempérer la fraîcheur de l’atmosphère ; de réchauffer la masse en y introduisant du moût bouillant ; de faire choix d’un jour chaud pour cueillir les raisins, ou de les exposer au soleil, etc.