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lon la quantité d’extractif qui existe dans la liqueur. Je les ai vues se former en si grande abondance dans un mélange fermenté de mélasse et de levure de bière, qu’elles se précipitoient par pellicules ou couches nombreuses et successives dans la liqueur. J’en ai obtenu de cette manière une vingtaine de couches.

Ces fleurs, que j’ayois prises d’abord pour un précipité de tartre, ne sont plus à mes yeux qu’une végétation, un vrai byssus, qui appartient à cette substance fermentée. Il se réduit à presque rien par l’exsiccation, et n’offre à l’analyse qu’un peu d’hydrogène et beaucoup de carbone.

Tous ces rudimens ou ébauches de végétation qui se développent dans tous les cas où une matière organique se décompose, ne me paroissent pas devoir être assimilés à des plantes parfaites ; ils ne sont pas susceptibles de reproduction, et ce n’est qu’une excroissance ou un arrangement symétrique des molécules de la matière, qui paroît plutôt dirigée par les simples lois des affinités, que par celles de la vie. De semblables phénomènes s’observent dans toutes les décompositions des êtres organiques.

On a vu, en 1791 et 1792, tout le produit d’une vendange altéré dans les premiers temps par une odeur âcre, nauséabonde, qui disparut à la suite d’une fermentation très prolongée. Cet effet étoit dû à une énorme quantité de punaises de bois qui s’étoient jetées sur les raisins, et qu’on avoit écrasées dans le foulage.


CHAPITRE VIII.

Usages et vertus du vin.

Le vin est devenu la boisson la plus ordinaire de l’homme, et elle en est en même temps la plus variée. Sous tous les climats, l’on connoît le vin, et l’attrait pour cette liqueur est si puissant, qu’on voit enfreindre chaque jour la loi de prohibition que Mahomet en a faite à ses sectateurs.

Outre que cette liqueur est tonique, fortifiante, elle est encore plus ou moins nutritive ; sous tous ces rapports, elle ne peut qu’être salutaire. Les anciens lui attribuoient la faculté de fortifier l’entendement. Platon, Œschyle et Salomon s’accordent à lui reconnoître cette vertu. Mais nul écrivain n’a mieux fait connoître les justes propriétés du vin, que le célèbre Galien, qui a assigné à chaque sorte les usages qui lui sont propres, et la différence qu’y apportent l’âge, le climat, etc…

Les excès du vin ont excité, de tout temps, la censure des législateurs. L’usage, chez les Grecs, étoît de prévenir l’ivresse, en se frottant les tempes et le front avec des onguens précieux et toniques. Tout le monde connoît le trait fameux de ce législateur qui, pour réprimer l’intempérance du peuple, l’autorisa par une loi expresse ; et l’on sait que Licurgue offroit l’ivresse en spectacle à la jeunesse de Lacédémone, pour lui en inspirer l’horreur. Une loi de Carthage prohiboit l’usage du vin pendant la guerre. Platon l’interdit aux jeunes gens au dessous de vingt-deux ans ;