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prendre avec une extrême avidité, si on les mettoit à même au champ ou au tas. Il importe donc, pour celles qu’on met au verd dans les champs, de ne les y envoyer que quelques heures dans les premiers jours, et après quelques heures de soleil ; que le pâturage qu’on leur abandonne ne soit pas trop abondant, pour qu’il n’en résulte pas de météorisation ; que leur séjour, en un mot, soit calculé sur la durée du temps nécessaire, pour ne prendre que la moitié de ce qu’il faut pour les rassasier.

Si on leur donne le verd à l’étable, il faut toujours mélanger de foin les premières rations, leur donner quelques poignées de grains ou grenailles ; les traire moins qu’à l’ordinaire, et observer les effets du verd sur chacune d’elles.

Le verd peut avoir des effets nuisibles et dangereux sur les veaux qu’on élève, et même sur ceux qu’on fait téter : donné trop frais, il leur donne le dévoiement et des coliques ; beaucoup en périssent. Tel est le motif, dans beaucoup de pays de petite culture même, qui fait préférer les feuilles d’ormes et charmilles à toute autre herbe, pour nourrir les veaux. Ceux qui résistent, étant nourris d’herbes vertes, ne tardent pas à se déformer : ils prennent un gros ventre, plus ou moins balonné, ou abbattu. On appelle ces veaux, des boyarts. (Nom qui signifie, beaucoup de boyaux).

Les bêtes à laine, dans ces contrées, sont tenues encore avec plus de soins, d’entendement et de succès que les chevaux. Quelques cultivateurs, il est vrai, conservent encore des bergeries inaérées ; mais c’est le plus petit nombre. L’herbe nouvelle ne produit presqu’aucun effet sensible sur leurs troupeaux, parce que, pendant tout l’hiver et le printemps, on leur donne de bons fourrages avant d’aller aux champs et au retour ; l’herbe trop nouvelle, aigre ou humide ne tombe point dans des estomacs vides ; et cette première verdure, si indigeste pour d’autres qui sont à jeun, est corrigée dans ceux-ci par un excellent fourrage sec ; la faim, d’ailleurs, ne les tourmentant pas, ils ne se jettent pas sur toute herbe qui s’offre ; ils choisissent, et il est rare qu’ils mangent une herbe malfaisante ou qui ne leur convient pas, quand ils ne sont pas pressés par la faim.

Tous les cultivateurs des pays à petite culture devroient imiter un tel régime ; ils devroient au moins venir l’examiner, et si les conseils donnés par les livres ont si peu leur confiance, ils verroient que ces intéressans troupeaux se maintiennent en nombre, tandis que le régime des autres pays en fait périr souvent plus de la moitié ; les premiers ont des toisons épaisses et de bonne qualité, et les derniers perdent une grande partie de leur laine pendant l’hiver, par l’effet des transpirations forcées qu’on leur fait subir ; beaucoup d’individus même ne prennent pas la peine de la tondre. Les bêtes à aine de ces pays sont propres à prendre graisse presqu’aussitôt la mise au verd ; celle des pays à petite culture mettent à se refaire