Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cevoir des vergers réels ; mais on a préféré des arbres étrangers, stériles en fruits, et si je ne craignois le sarcasme, je dirois des arbres stériles en beauté : on a été plus flatté d’avoir à apprendre au vulgaire des curieux le nom baroque ou scientifique de certains arbres, que d’avoir à montrer de belles pommes ou de belles poires qui, pour certains connoisseurs en jardins anglois, auroient fait décrier toutes les autres beautés possibles… Des pommiers…, des poiriers dans un jardin anglois ! La moindre épithète du maître eût été celle de normand, mais ils n’auront pas à en craindre quand ils les peupleront de toutes sortes de pins, ifs, de rhododendrons et surtout de cèdres du Liban et de platanes.

Ce qui est affligeant pour le bon citoyen, pour le véritable agriculteur, c’est que, de toutes parts, les vergers existans disparoissent ; des acquéreurs nationaux dans des départemens de l’ouest et de la Seine-Inférieure ont eu la cupidité d’abattre des vergers, d’enlever les plus beaux ornemens des habitations et les abris nécessaires contre les vents de mer, de détruire enfin des arbres qui, par leur utilité, sembloient plutôt appartenir à la patrie qu’à des citoyens. Le petit nombre de vergers qui existent, est abandonné à des colons ; par-tout, on se conduit comme s’il n’y avoit à espérer des fruits que des arbres mis en espalier : où on en voit encore quelques uns, ils sont abandonnés (la ci-devant Normandie exceptée) au parcours des bestiaux, particulièrement aux veaux ; c’est-là qu’on les dispose à sortir pour les accoutumer à aller paître dans les champs ; les ronces, les épines couvrent la plus grande partie du terrain, au-dessous sont des massifs de drageons sauvages, dessus, des forêts de gui absorbent les sucs végétatifs, la mousse en couvre le tronc et les branches, et si, à l’automne, les fruits ne tombent pas d’eux-mêmes en secouant, on les abat à coup de perche. Quoiqu’on doive peu espérer un meilleur régime, c’est-à-dire un retour raisonné de la part des propriétaires pour former des vergers, je vais tâcher de dire ce que je crois le plus utile pour en avoir.

Les vergers étant l’ornement des habitations, c’est auprès d’elles qu’il convient de les placer, tant pour l’agrément qu’ils peuvent procurer, que pour l’utilité qu’ils peuvent avoir pour d’autres usages économiques.

L’exposition n’est pas une chose indifférente ; mais, si le désir d’avoir un jardin concourt avec celui d’un verger, on peut sans hésiter le placer au nord. Nous connoissons aujourd’hui les espèces qui s’élèvent très-haut, celles qui sont tardives, celles même qui résistent mieux au froid et aux vents, ce sont de ces arbres qu’il faut mettre en première ligne au nord.

La forme en quinconce est toujours la plus agréable et la plus utile ; ainsi disposés, les arbres se défendent mutuellement ; les racines ont une portion de terrain plus considérable ; les branches se