Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/90

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quefois elles sont disparates dès l’invasion de la maladie : il y a donc déjà délire manifeste pour l’observateur attentif ; car un changement dans les inclinations suffit pour annoncer l’existence d’une aliénation d’esprit commençante. Le sommeil est mauvais, malgré une disposition continuelle à dormir chez quelques sujets. C’est un commencement d’affection comateuse. Des rêves inquiétans ou terribles, une agitation universelle, un pouls serré, petit, irrégulier, convulsif, des mouvemens mal réglés ou involontaires désignent déjà le plus grand trouble dans le système nerveux.

Pendant que les choses se passent ainsi, et peu de jours à dater de l’invasion de cet état, il s’élève sur la face des petits boutons qui se multiplient lentement, qui tardent à paraître sur la poitrine et le reste du corps ; leur apparition apporte peu ou point de changement dans le caractère des premiers symptômes. Vingt-quatre et quarante-huit heures se passent sans que ces boutons croissent convenablement de volume ; leur couleur est d’un rouge plus foncé que les inflammatoires ; quelquefois ils sont violets au moment de l’éruption : on en a vu de noirâtres à leur apparition. Il faut convenir, toutefois, que ces couleurs et leurs nuances se remarquent plus ordinairement après quelques jours, à dater de leur sortie. L’éruption se continue encore pendant que les premiers boutons s’affaissent par la pointe, et s’aplatissent. C’est à cette époque qu’ils perdent plus communément la couleur qui désigne l’inflammation. On en voit qui sont entourés d’un cercle pâle, ou livide, ou violet : la teinte de la peau prend cette nuance désastreuse. Le malade a une transpiration infecte ; son haleine est de mauvaise odeur ; ses yeux s’obscurcissent ou deviennent plus animés, hagards, quelquefois menaçans ; dans ce dernier cas, il aura bientôt un violent délire : son cerveau sera gravement attaqué ; il mourra dans une affection comateuse.

Si cette marche désastreuse est moins rapide, il n’y aura point de suppuration dans les boutons : on n’y trouvera qu’une sérosité ochreuse qui gangrènera les tégumens : une partie de cette sérosité passera à l’intérieur, et portera la gangrène dans les viscères : d’où la mort. Mais, supposons encore qu’on a prévenu de bonne heure les progrès ou l’invasion de la mortification ; les boutons, par les moyens qu’on indiquera, ont acquis un peu plus de volume ; on est parvenu à exciter une suppuration moins ochreuse que celle qui auroit eu lieu. Cependant cette suppuration marche lentement, une partie de ce pus dérobé attaque les viscères de tous côtés, fait des métastases, des dépôts sur les articulations, des délabremens dans les chairs ; voilà donc encore des accidens d’autant plus graves qu’en supposant qu’on parvienne à modérer les désordres locaux le malade périra d’épuisement ou obtiendra très-difficilement sa guérison.