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Saône à Auxonne, qu’un pêcheur en prenoit chaque jour deux tonneaux avec un échiquier en moins d’une heure.

Il y a une sorte de filet plus particulièrement destinée à la pêche des ables, et que, par cette raison, l’on nomme ableret. Ce n’est autre chose qu’un échiquier fait avec du fil fin, et à mailles peu ouvertes. L’on fabrique aussi, pour la même pêche, des éperviers dont les mailles sont plus serrées que celles des éperviers ordinaires.

La pêche la plus destructive des petits poissons est celle de la sennette ou petite senne, de quinze à vingt brasses de longueur sur deux de chute ; elle est faite de fil délié, et ses mailles n’ont que trois ou quatre ligues d’ouverture en carré. On l’appelle aussi ablerette. (Voyez Senne et Sennette.)

Les Nasses, les Verveux, les Hameçons, (voyez ces mots) sont également en usage pour faire la pêche des ables, suivant les localités, les saisons ou la commodité. L’on met souvent au bout de lignes déliées trois ou quatre petits hameçons, attachés par un simple bout de crin ; des vers blancs servent d’amorce. En hiver, on prend beaucoup de ces poissons sous la glace, avec de grands verveux.

Au nord de la Hollande, on fait dans les lacs une pêche particulière aux ables, que l’on y prend avec d’autres espèces de petits poissons. L’on se sert d’une grande nappe de filets en Tramail, (voyez ce mot) tendue perpendiculairement, et avec laquelle ou forme une enceinte spacieuse. Les pêcheurs, montés sur de petits bateaux, se placent au milieu, munis d’une longue perche terminée à un bout par un large godet de bois ; ils plongent avec force ce godet dans l’eau, et le bruit, ainsi que le mouvement qu’il imprime à l’eau, épouvantent le poisson et le font donner dans le filet.

Les ables pêchées deviennent elles-mêmes, soit vivantes, soit desséchées, un excellent appât pour prendre à la ligne d’autres espèces de poissons, telles que les brochets, les anguilles, les aloses, etc., etc. ; ce qui dément l’assertion de certains pêcheurs qui prétendent que l’able n’est point une nourriture pour les poissons voraces. L’on sait, au reste, que le motif de cette singulière prétention est de faire tolérer la pêche des ables avec des filets à mailles étroites, avec lesquels on prend en même temps les petits poissons de toute autre espèce ; ce qui rend l’usage de ces filets extrêmement pernicieux pour la propagation et la conservation des poissons, et fait désirer l’exécution des anciennes ordonnances qui les prohiboient.

Commerce des écailles d’ables et de l’essence d’Orient. Afin de donner une idée du produit que l’on peut retirer de la pêche des ables, je me suis procuré des renseignemens certains, et qui n’ont jamais été publiés, au sujet du commerce auquel ces poissons donnent lieu.

Les émailleurs de Paris distinguent trois qualités dans les écailles d’ables : ils nomment pure, la première qualité, parce qu’elle est dégagée d’une espèce de limon qui se rencontre dans les autres, et qu’elle n’est pas mélangée d’écailles d’autres petits poissons. La seconde sorte ne diffère de la première qu’en ce qu’elle est chargée du limon qui la rend moins pure. La cupidité des pêcheurs ou des vendeurs introduit dans la troisième sorte des écailles de plusieurs autres espèces de poissons.

Ces trois qualités d’écailles se vendoient aux marchands de Paris, jusqu’en 1790, savoir : la première, de 18 à 20 francs la livre, poids de marc ; la seconde, de 15 à 16 francs, et la troisième, de 10 à 12.

Dans le canton de la Lorraine que j’habitais, un marchand de Saint-Nicolas, petite ville entre Nancy et Lunéville, achetoit, avant la révolution, des pêcheurs de la Meurthe et de la Moselle, les écailles d’ables à raison de 12 francs la