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cailles préparées. Ces poissons ainsi dépouillés ne sont point perdus ; on les vend à bas prix, et ils sont encore un régal pour la classe peu fortunée. Dans les pays où l’on en prend une trop grande quantité pour être consommée, on les répand comme engrais sur les terres.

Lorsqu’on n’est pas assuré d’avoir un prompt débit des écailles d’ables, le mieux est d’en tirer la matière colorante ou l’essence d’Orient, telle qu’elle doit être employée par les émailleurs, pour former les perles artificielles. Après avoir écaillé les poissons de la manière qui vient d’être indiquée, on frotte légèrement entre les mains les écailles, afin d’en détacher la partie nacrée ; on jette la première eau qui est muqueuse et sanguinolente ; on lave ensuite les écailles à grande eau, dans un tamis clair ; la matière nacrée passe et s’amasse au fond du baquet placé sous le tamis. On la recueille et on la lave encore une ou deux fois dans de la nouvelle eau ; on la fait ensuite digérer dans de l’ammoniaque liquide, (alcali volatil) un peu étendu d’eau ; cette liqueur, non seulement conserve l’essence, mais ajoute encore à son brillant. L’on a alors une masse boueuse d’un blanc bleuâtre, à reflets éclatans, et dont la couleur ressemble parfaitement à celle des perles fines ou à la nacre la plus pure. Il faut une livre d’écailles préparées pour obtenir trois ou quatre onces d’essence d’Orient, avec laquelle on imite l’eau et le lustre des plus belles perles de l’Orient. Les détails de cette ingénieuse imitation, l’une des propriétés industrielles de la France, et qui est due à un artiste nommé Janin, sont étrangers à un ouvrage plus particulièrement destiné aux habitans des campagnes. Il nous suffit de leur avoir indiqué le parti qu’ils peuvent tirer d’une espèce de poisson très-commune, et que l’on prend facilement en quantité, de plusieurs manières.

Pêche de l’able. On peut faire cette pêche en toute saison ; mais elle est beaucoup plus fructueuse au printemps et au commencement de l’été, époque à laquelle les ables se rassemblent pour frayer. Ces petits poissons sont très-voraces, en sorte qu’il est facile de les attirer par différens appâts, tels que les tripailles d’animaux, le sang des boucheries, les pains ou marc de graines de pavot, etc., etc. En hiver, ils courent moins vers les appâts qu’on leur présente. En général, il faut rechercher les ables dans les endroits où le courant est plus fort, et l’eau plus agitée ; comme au bas des vannes qui traversent les rivières. Les débordemens sont encore une circonstance favorable pour cette pêche.

Dans les grandes rivières, on forme au milieu, avec des pieux et des fascines, une espèce de clayonnage circulaire qui, produisant une agitation artificielle de l’eau, attire les ables. À l’un des piquets du clayonnage, est attaché un panier qui baigne dans l’eau, et que l’on a rempli de sang et de débris d’animaux ; les ables se rassemblent autour de cet appât, et les pêcheurs les prennent avec l’épervier ou l’échiquier. C’est la méthode qu’emploient les pêcheurs de Paris où les ables sont moins communes qu’ailleurs, et où néanmoins elles ont plus de valeur, à cause de la facilité de les vendre aux émailleurs, dès qu’elles sont prises, et sans aucune manipulation préliminaire.

L’Échiquier et l’Épervier sont les filets les plus en usage pour pêcher les ables en toute circonstance. (Voyez les articles de ces filets.) M. Bosc, savant naturaliste et excellent observateur, rapporte dans le Nouveau Dictionnaire, d’Histoire Naturelle[1], qu’il a vu ces poissons en telle abondance au bas de la vanne d’une jetée qui barre la

  1. Paris, Déterville, rue du Battoir.