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d’autant plus dangereux, que l’on en ignore la cause.

Le délivre est une grande vessie qui, dans l’état naturel, est close et fermée de toute part ; elle représente en gros la forme de la matrice ; elle est contournée en fer à cheval, elle a deux branches et un corps ; celui-ci est la partie la plus large ; il répond à la pince du fer, et c’est précisément cet endroit que le fœtus déchire au moment de sa sortie. Ce déchirement s’opérant sans déperdition de substance, il est facile de s’assurer si cette poche est entière ; il suffit d’en rapprocher les parties déchirées.

Le part peut être ou languissant, ou tumultueux ; dans ces deux cas, la vache a besoin des secours de l’art ; mais ces secours doivent être raisonnés, et il y a tout autant de science et d’utilité à être spectateur oisif, et à laisser agir la nature, qu’à l’aider, lorsque la circonstance l’exige.

Le part languissant se rencontre assez souvent dans les bêtes foibles ; on leur donne, pour les fortifier et accélérer la sortie du délivre, une rôtie au vin, ou au cidre, ou au poiré, ou à la bière. Lorsqu’on la donne au vin, on le mêle avec égale quantité d’eau : cette rôtie doit être de cinq à six pintes de liquide, dans lequel on a émietté environ une livre et demie de pain rôti : les vaches dévorent ordinairement cet aliment.

Outre ce moyen, il faut encore attacher à l’extrémité du cordon ombilical, le poids dont nous avons déjà parlé ; il doit être d’autant plus lourd que la bête paroît plus affoiblie, et avoir moins de disposition à pousser le délivre ; son insensibilité à cet égard doit régler la pesanteur spécifique de ce poids, auquel nous avons donné quelquefois jusqu’à quatre livres ; mais il faut prendre garde que le cordon ne doit être chargé que proportionnellement à la consistance des parties qui le composent, afin d’éviter sa rupture, ou celle du placenta, dans l’endroit où cette membrane seroit détachée de l’utérus ; accident qui arrive trop souvent par l’ignorance des personnes qui se mêlent de secourir ces animaux.

Lorsque le cordon est rompu, ou le délivre déchiré, elles introduisent la main dans la matrice, et arrachent impitoyablement tout ce qu’elles rencontrent, d’où naissent d’autres accidens dont les suites sont la perte de la vache. Mais quelle est l’époque où l’on doit aller chercher le délivre ? Elle est fixée par la nature ; tandis que la bête jouit de la santé, tant qu’elle fait parfaitement toutes ses fonctions, qu’elle boit et mange bien, on doit être spectateur oisif, et attendre de la nature seule la sortie du délivre, quelquefois trois, quatre, cinq, six, sept, huit et dix jours, avec le plus grand avantage pour la mère. Cette sortie, qui n’est jamais dangereuse quand elle est l’œuvre de la nature, est le plus souvent funeste lorsqu’elle est le produit de l’art, quelqu’habile même que soit l’artiste.

Le seul cas où la vache ait besoin de secours est celui où elle est sans force, triste, dégoûtée, abattue, et sur-tout lorsque les moyens capables de la ranimer ont été insuffisans, tel que le vin que l’on donne d’abord pur, à la dose d’une chopine, et dans lequel on a fait infuser de la sabine et de la rue ; si on manque de cette liqueur, on y substitue à double dose la bière, le cidre, le poiré.

Ces breuvages se réitèrent toutes les trois, quatre, cinq, six, sept, à huit heures, suivant que la foiblesse paroît plus grande ; on doit les continuer pendant plusieurs jours, avant de se déterminer à l’extraction du placenta.

Ces mêmes substances données en lavemens, et lancées dans la matrice, ont aussi opéré de très-bons effets, leur