Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/153

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Comme fondant très-actif, il a été administré dans les maladies scrophuleuses, en France et en Angleterre. Il n’est pas de substance saline dont les usages soient aussi multipliés que ceux du muriate de soude ; on le retire des eaux de la mer par le moyen des marais salans ; des mines de sel gemme, telles que celles de Pologne, de Hongrie ; et on l’extrait des eaux salées, comme on le fait pour les sources de la Meurthe et du Jura. Il sert à la préparation des mets, à la conservation des matières animales ; il est donné aux bestiaux avec beaucoup d’avantages dans quelques maladies ; il est employé dans la poterie, l’hongroyerie, la teinture, et dans une foule d’arts ; c’est de ce sel qu’on retire l’acide muriatique. MM. Pelletier, Lelièvre et Darcet, Bérard et Chaptal, Curaudau, Carny, Dizé et Leblanc, ont publié des procédés très-ingénieux pour extraire la soude du sel marin : la plupart de leurs moyens, exécutés très en grand à cette époque désastreuse où la France manquoit des matières premières les plus importantes, fournirent la soude dont on étoit privé déjà depuis long-temps.

Le muriate d’ammoniaque, qu’on retiroit autrefois seulement de l’Égypte, est connu sous le nom de sel ammoniac dans le commerce. On le fabrique depuis plusieurs années en Europe et en France. Il est, en médecine, un fondant très-actif ; il entre dans un assez grand nombre de composés pharmaceutiques, dans l’étamage, la préparation des couleurs, et dans la teinture. La décomposition du muriate de soude par la litharge, fournit le muriate de plomb, qui donne, étant calciné, ce beau jaune que nous retirions de Naples.

Acide Muriatique Oxigéné. C’est à Schèele que nous devons l’acide muriatique oxigéné ; mais la part la plus glorieuse de cette découverte n’en doit pas moins être réservée à M. Berthollet, qui nous a fait connoître ses propriétés, et les importantes applications qu’il a fournies aux arts, sur-tout à ceux du blanchiment. On obtient cet acide en traitant l’oxide de manganèse avec l’acide muriatique, ou bien en distillant ensemble cinq parties de sel, trois parties d’acide mélangées avec trois parties d’eau, et deux parties d’oxide de manganèse.

À l’état de gaz, il a une couleur jaune verdâtre, une odeur forte, pénétrante, qui produit sur les membranes du nez et de la gorge une striction très-forte ; il est dangereux de le respirer quelque temps, car il détermine une toux violente, la fièvre et le vomissement. J’ai employé avec succès, dans ce cas, la vapeur de l’ammoniac et des boissons sucrées chaudes.

Cet acide détruit toutes les couleurs végétales, l’indigo, le sumac, même l’encre et les couleurs jaunes, sur lesquelles il agit un peu plus lentement.

L’acide muriatique oxigéné, dissous dans l’eau, jouit des mêmes propriétés que le gaz ; on l’emploie dans le blanchiment des toiles, des papiers, et dans toutes les opérations où il s’agit de décolorer les substances végétales. En médecine, on s’en est servi avantageusement à l’état liquide ou gazeux, dans le traitement des cancers, des ulcères, et dans toutes les maladies où il y a désorganisation ; il colore les chairs, détruit complètement les odeurs putrides, et les qualités délétères de l’opium et de la ciguë. À l’intérieur, il est un des plus puissans sténiques connus ; mais, avant de le préparer pour cet usage, il faut avoir soin de séparer du manganèse tout le plomb qu’il peut contenir. Les propriétés très-énergiques de ce gaz l’ont fait recommander par M. Guyton de Morveau, dans tous les cas où il y a développement de miasmes putrides. C’est d’après ce conseil qu’on l’a employé avec le plus grand succès dans