Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette végétation est assez rapide pour que l’œil puisse l’apercevoir distinctement, et que les pieds qui ont fleuri se dessèchent et meurent après leur floraison. Mais ils sont bientôt remplacés par les nombreux œilletons qui sortent de leur souche.

Fruits, composés d’une capsule à trois loges qui renferment plusieurs centaines de semences noires, aplaties et membraneuses sur leurs bords.

Racines, charnues, longues, traçantes et qui partent d’une souche boiseuse, coriace et filandreuse.

Port, tige ou tronc souvent nul, quelquefois élevé d’un à deux pieds, et rarement de trois, composé d’un tissu de fibres qui parlent de la souche et vont en se ramifiant à l’infini jusqu’aux extrémités des feuilles, comme dans tous les végétaux ligneux monocotylédons. Feuilles simples, nombreuses, permanentes, longues de cinq à six pieds, épaisses de deux à trois pouces dans leur milieu, charnues, succulentes, concaves en dessus, convexes en dessous, larges de six à huit pouces, lancéolées, terminées par une pointe de trois pouces, très-dure et bordée de dents crochues très-acérées.

Lieux. Cette espèce d’agave est originaire de l’Amérique méridionale, où elle croît sans culture, principalement à la Jamaïque et dans les Antilles. Elle vient dans les lieux secs et montueux. On l’apporta en Europe, pour la première fois, en 1561, et on la cultiva d’abord en Portugal et en Helvétie. Elle se trouve actuellement répandue dans les départemens des Pyrénées-Orientales, du Var, des Alpes-Maritimes, en Espagne, en Italie et très-abondamment en Sicile, où elle croît comme dans son pays natal.

Propriétés. Le suc extrait des feuilles de cette plante, épaissi par l’évaporation, est employé dans la médecine, et surtout dans l’art vétérinaire. Il a une saveur amère et une odeur nauséabonde.

Usages économiques. Les fleurs de l’agave d’Amérique renferment des nectaires qui distillent une liqueur limpide et douce que les abeilles recueillent avec avidité ; mais l’on prétend que le miel qui en provient a une propriété laxative. Ce fait, très-probable, n’est pas encore bien avéré.

On tire de ses feuilles une grande quantité de fibres d’excellente qualité, qui sont employées avec succès dans les arts de la corderie et de la filature. On en fait des cordes qui, à un diamètre moins gros que celles faites avec du chanvre, sont plus fortes et durent plus long-temps. En Amérique, on en établit des filets pour la pêche, l’on en fait des hamacs, et l’on en fabrique de grosses toiles d’emballage. Le citoyen Deberthe, manufacturier de sparterie, faubourg St.-Antoine, à Paris, employoit une grande quantité de fil d’agave d’Amérique, à faire des cordons de montre, de cannes, de lustres, de rideaux, de sonnettes, et des guides pour conduire les chevaux de voitures : ces tissus conservaient très-bien les diverses couleurs dont on les teignoit. Il est malheureux que cette fabrique n’ait pas subsisté plus long-temps, elle auroit fourni une nouvelle branche au commerce de Paris, en même temps qu’elle eût procuré de l’ouvrage à beaucoup de bras qui languissent, faute d’occupation, dans un quartier aussi populeux.

Le citoyen Amoreux fils, dans son excellent Mémoire sur la Construction des Haies, qui a été couronné par l’Académie des Sciences de Lyon, en 1784, annonce, sur la foi de Bowles, qu’à Barcelonne on fabrique des blondes avec les fils de l’agave, et que ses feuilles fournissent de l’eau-de-vie par la distillation. Les Indiens se servent des épines longues et dures, qui terminent ses