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le nom de furcrœa, et elle est connue sous la dénomination vulgaire de pitte, ou d’aloès pitte, dans toute l’Amérique méridionale. Celle-ci se distingue de la précédente en ce que ses feuilles sont beaucoup plus longues, plus minces, moins aqueuses, d’une verdure plus foncée, et qu’elles n’ont ni épines sur leurs bords, ni à leur extrémité. En les froissant, elles répandent une odeur désagréable, ce qui lui a valu l’épithète de fétide.

Fleurs, portées sur une hampe plus élevée que celle de la précédente, rameuse, pyramidale, couverte de petites fleurs verdâtres qui se succèdent sans interruption pendant trois mois. Un individu de cette espèce, qui a fleuri dans les serres du Muséum, en 1793, a produit une tige qui s’est élevée à trente-deux pieds de haut, et dont la croissance étoit de quatre à sept pouces dans les vingt-quatre heures, suivant que les nuits étoient plus ou moins chaudes, et que l’atmosphère étoit plus chargée d’électricité. Ces fleuraisons sont rares en Europe ; on en compte trois dans le siècle dernier, l’une à Vienne, l’autre à Chelsé, près de Londres, en 1755, et celle du Muséum, en l’an 2. On ne manque pas de les annoncer dans les journaux, comme des événemens remarquables.

Fruits, remplacés par des soboles ou de petites plantes parfaites ; elles deviennent de la grosseur d’une olive, et lorsqu’elles tombent à terre elles poussent des racines, se développent et forment des pieds semblables à leur mère. Cette espèce est l’une des vivipares du règne végétal.

Port. La base de la racine de cette plante est arrondie en manière de bulbe, mais son organisation est fort différente. À mesure que les feuilles du collet de la racine se dessèchent, il se forme, par une longue suite d’années, un tronc qui s’élève à deux ou trois pieds ; alors la plante fleurissant, sa hampe absorbe tous les sucs nourriciers qui se trouvent dans le tronc et les racines, et les fait périr. Cette époque est celle à laquelle les soboles cessent de grossir. Elles tombent à terre pour y chercher une nourriture que ne peut plus leur fournir la mère plante. Celle ci devient la victime de son immense progéniture, elle meurt sans introduire d’œilletons ou de drageons qui la remplacent sur sa souche. C’est ce qui est arrivé à l’individu qui a fleuri au Muséum.

Lieux. Il croît naturellement à Curaçao, à Saint-Domingue, et dans plusieurs autres parties de l’Amérique méridionale. Il vient sur les mornes, dans les terrains maigres, pierreux, et aux expositions découvertes les plus chaudes. On le cultive dans plusieurs colonies européennes des deux Indes, et dans les serres de beaucoup de jardins de l’Europe.

Usages économiques. Les feuilles de cette plante donnent, par le rouissage à la manière du chanvre, des fils plus estimés que ceux de l’agavé d’Amérique. Ils sont plus souples, plus fins, plus longs, plus forts et plus soyeux. On les emploie de préférence, en Amérique, à ceux de l’autre espèce, soit pour les ouvrages d’aiguilles, soit pour des tissus, soit pour faire des lignes destinées à la pêche du poisson.

En Europe, quelques astronomes distingués ont trouvé à ces fils une propriété intéressante pour le pendule, parce qu’ils sont moins susceptibles que tous les autres de s’allonger par la sécheresse, et de se raccourcir à l’humidité.

Culture. Cette plante est plus délicate que la précédente, pousse moins promptement, craint la gelée, et a besoin d’un degré de chaleur élevé. Jusqu’à présent on n’a pu la naturaliser en