Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/171

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France, et peut-être en Europe. Des tentatives faites, il y a quelques années, pour la cultiver en plein air dans les départemens méridionaux, ont été infructueuses ; mais c’est peut-être moins au climat qu’on doit en attribuer la cause, qu’à la manière dont elles ont été faites. Les non-succès, en agriculture, apprenant toujours quelque chose d’utile, nous allons rendre compte de cette expérience.

Des soboles de l’individu qui a fleuri au Muséum, en l’an 2, ont été recueillies et plantées avec soin dans des pots qui ont été rentrés chaque hiver dans une serre tempérée. Les jeunes élèves, devenus assez forts pour être hasardés en pleine terre, ont été envoyés, il y a trois ans, à Perpignan, dans le département des Pyrénées-Orientales. Le printemps étoit très-avancé, la caisse qui contenoit l’envoi a resté fort long-temps en route, et les plants sont arrivés très-fatigués à leur destination. Ils ont été plantés, vers le milieu de l’été, dans un lieu qui pouvoit convenir à des individus bien portans et vigoureux, mais qui se trouvoit trop exposé aux vents et aux ardeurs du soleil pour des plantes fatiguées d’un long voyage. Elles ont à peine végété le reste de la saison, et l’hiver ayant été plus froid qu’il n’est ordinairement dans ce pays, elles ont péri. Ainsi cette expérience n’est rien moins que concluante, et elle exige d’être répétée pour avoir un résultat exact. L’administration du Muséum se propose d’employer à cet usage plusieurs douzaines de jeunes plants qu’elle tient en réserve ; mais elle prendra d’autres mesures pour assurer le succès de cette nouvelle expérience.

Les jeunes plantes seront envoyées dans le midi de la France, dès le commencement du printemps, avec tous les soins qui peuvent assurer leur réussite. On les conservera dans un dépôt, pendant le reste de cette année, pour les rétablir des fatigues de leur voyage, et au commencement de la suivante, on les placera à leur destination. Par ce moyen, étant plantées bien portantes, et ayant dix mois devant elles pour arriver à la mauvaise saison, elles auront le temps de s’enraciner dans le sol, de s’habituer à la nature du terrain et de l’exposition, et d’acquérir de la force pour se défendre du premier hiver ; et pour le leur rendre encore moins sensible, on pourra les couvrir de fanes de fougère et de paillassons dans les temps froids, pendant les deux ou trois premières années. Ce procédé simple a suffi pour naturaliser, à la Valette, un pied de gouyavier, (Psydium pyriferum L.) arbre fruitier des Antilles, que nous y avons envoyé il y a environ quinze ans.

Le climat qui paroît le plus propre à la réussite de cette nouvelle naturalisation est celui où croissent et prospèrent, en plein air, les orangers, que, pour cette raison, on nomme le climat de l’oranger. C’est le quatrième et le plus petit de ceux qui divisent la France, mais le plus précieux pour l’acclimatation des végétaux des tropiques, et de plusieurs autres de la zone torride. Les lieux qui semblent les plus propres aux agavés pittes, sont les gorges d’Ollioules, les monts escarpés d’Hyères et de Monaco. L’exposition la plus favorable est celle du midi la mieux défendue qu’il sera possible du nord, du nord-ouest et de l’est ; dans des situations en pente, où les eaux ne séjournent pas, et dans des terrains calcaires, entre des rochers qui, reflétant la chaleur, la rendent encore plus forte. Nous ne doutons pas qu’en employant ces moyens on ne parvienne à naturaliser les agavés pittes ; et, si l’on peut faire fleurir quelques uns de ces individus, on obtiendra bientôt assez de jeunes plants pour couvrir les flancs de ces montagnes stériles, dont l’aspect est aussi désagréable à la vue des agriculteurs, qu’elles sont nuisibles à la fertilité des sols environnans.

L’agave fétide se cultive dans les serres