Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/192

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système qu’ils ont adopté ? Est-ce chez les cultivateurs de profession ? ils n’aiment point les questions de cette nature. Est-ce chez les propriétaires-cultivateurs ? leurs données seront infidèles.

Dans cette perplexité, c’est au raisonnement que nous aurons recours pour justifier la conclusion que nous venons de prendre dans la comparaison de notre agriculture pratique, avec l’agriculture pratique anglaise. Nous le fonderons sur le rang que doit tenir l’agriculture dans les moyens de prospérité des deux nations, d’après leur position, leur étendue, leur population et leurs besoins respectifs ; et, ce que nous allons exposer à cette occasion, servira de résumé à cette partie importante de notre travail.

L’immense population de la France, la grande étendue de son territoire, les mœurs de ses habitans, et son éloignement des autres marchés de grains de l’Europe, la rendent essentiellement agricole ; et la fertilité de son sol, la variété de son terrain, les différentes températures de son climat, lui permettent tous les genres de culture.

Sa grande culture s’occupe exclusivement de la culture des céréales ; car les Français consomment beaucoup de pain ; et elle s’est améliorée depuis environ un demi-siècle, au point que les années les plus intempestives n’ont point vu totalement manquer ses récoltes : elles n’ont jamais été au dessous de la moitié des récoltes moyennes.

Les cantons où la grande culture s’est naturellement établie, sont les véritables manufactures des subsistances de la nation. Les terres de ces caillons sont en exploitations plus ou moins étendues, et cultivées par des fermiers intelligens qui trouvent dans l’exercice de cette profession, non seulement une aisance assurée, mais encore un moyen de faire fortune, lorsqu’ils ont de l’intelligence et de la conduite.

Ces grandes exploitations sont avantageuses à leurs propriétaires, en ce que, dans les localités où elles ont été établies, elles leur rendent une rente plus forte que si elles y étoient divisées en plus petites exploitations.

Enfin elles sont avantageuses à l’État, parce qu’elles seules peuvent fournir, dans les années moyennes, un superflu en grains assez considérable pour subvenir aux besoins de sa population.

La moyenne culture française est l’apanage des localités éloignées des lieux de grande consommation. La culture des céréales n’est plus l’objet principal de cette culture, parce qu’elle ne présente pas à ses fermiers autant d’avantages qu’aux fermiers de grande culture. Ces localités ne peuvent offrira la consommation générale de superflu en grains, parce que les terres, y étant mal cultivées, ne présentent des récoltes passables que dans les années d’abondance ; mais leurs fermiers trouvent dans la culture des prairies naturelles ou artificielles, ou dans celle des plantes huileuses et colorantes, une ample indemnité du désavantage de la culture forcée des céréales.

Ces moyennes exploitations ne sont pas très-avantageuses à leurs fermiers ; cependant, avec de l’intelligence, et de la conduite, ils trouvent encore dans leur profession les moyens d’élever leur famille, et d’acquérir quelque aisance.

Elles sont d’ailleurs avantageuses aux propriétaires, parce qu’en définitif, et malgré la multiplicité des corps de ferme que la moyenne culture nécessite, ils en retirent une rente plus forte que celle qu’ils obtiendroient de plusieurs de ces fermes réunies en une seule et même exploitation.