Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/199

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de grandes ressources dans tous ses points. Toutes les maisons religieuses, presque tous les chapitres, recevoient en nature les fermages de leurs biens fonds ; des villes mêmes achetoient des grains qu’elles emmagasinaient lorsqu’ils étoient à bas prix, et tous les faisoient entretenir sous leurs yeux, en bons pères de famille. C’étoient de véritables greniers d’abondance, qui s’ouvroient lorsque les grains étoient chers, et se fermoient lorsque leur prix retomboit au dessous des prix moyens.

C’est par ces moyens naturels et économiques, et par une exportation permise dans les années de trop grande abondance, que, depuis 1764 jusqu’à la révolution, le Gouvernement a presque toujours maintenu les grains à des prix moyens convenables, qui ont fait la prospérité de toutes les classes de la société, et particulièrement contribué à l’amélioration de l’agriculture.

La France avoit un ministre particulier de l’agriculture ; il se faisoit rendre compte par les intendans des provinces, des produits des récoltes annuelles de chaque localité ; il les comparoit avec les besoins de toutes ; on lui envoyoit également les prix des mercuriales de tous les marches ; en sorte qu’il connoissoit annuellement les prix des grains de toutes les localités de la France, l’étendue de leurs besoins, ainsi que celle de leurs ressources.

Avec ces données, il étoit toujours en état de connoître si le Gouvernement pouvoit permettre ou devoit arrêter l’exportation des subsistances, et même s’il devoit engager le commerce à faire venir de l’étranger des grains pour prévenir la famine, lorsque les ressources n’étoient pas suffisantes.

Ce ministre exerçoit sur l’agriculture un ministère de confiance et de bienfaisance, et une police éclairée, secrète, il est vrai, (cette matière est trop délicate pour être l’objet de discussions publiques,) mais dont toutes les classes de la société ressentoient les heureux effets, sans trop en deviner la cause.

Tous ceux qui ont connu M. Bertin savent avec quel zèle, quelle humanité et quelle intelligence, il dirigeoit cette administration.

Ce que l’ancien Gouvernement de la France avoit entrepris pour arriver à ces résultats, notre Gouvernement actuel peut l’exécuter avec la même économie, et encore plus de succès.

L’agriculture est, de tous les arts, celui qui exige de la part du Gouvernement le moins de sacrifices pécuniaires, pour être amélioré.

Son véritable stimulant réside dans les capitaux disponibles, et sur-tout dans l’intérêt que les cultivateurs trouveront à son amélioration. C’est alors que, par de bonnes institutions agricoles et par un bon système d’impôt, le Gouvernement provoquera cet intérêt, et qu’il contribuera efficacement au perfectionnement de l’agriculture.

L’agriculture française ne peut exiger du Gouvernement que la sécurité, l’instruction, et la vente avantageuse des produits de ses récoltes et de son industrie.

La sécurité, sans laquelle elle ne pourroit se livrer tranquillement à ses travaux, compter sur ses récoltes, et essayer des améliorations : elle sera le résultat d’une police sévère, et d’une protection constante, juste et nécessaire.

L’instruction, non pas la connoissance de tous les systèmes de culture dont l’adoption rencontre autant d’obstacles qu’il y a de localités différentes ; mais des données positives sur toutes les parties de l’agriculture.

Cette instruction seroit l’objet des travaux d’une société d’agriculture centrale et fondée, qui, par une correspondance suivie avec les meilleurs agronomes et