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par l’ébranlement qu’imprime au fond le mouvement du corps ; enfin, à les assommer avec un bâton, ou à les prendre à la main ou avec un crochet, et les étourdir, les tuer même en les frappant sur le bâton. Cette pèche, qui se nomme pêche à pied, ne laisse pas d’être fructueuse, lorsqu’elle se fait sur des espaces de quelque étendue et fréquentés par les anguilles. Au lieu d’entrer dans la vase, on peut se soutenir à sa surface, en ajustant sous ses pieds des espèces de raquettes, faites du chanteau du fond d’un tonneau, et qui empêchent d’enfoncer.

Lorsque les retraites des anguilles se trouvent creusées en terre solide, dans laquelle la main ne peut pénétrer, on brûle à l’entrée, de la paille, du fumier, etc., et l’on dirige la fumée vers le trou, par le vent d’un soufflet ou par l’agitation d’un chapeau. Le poisson enfumé de la sorte ne laide pas à sortir, et on l’assomme dès qu’il paroit.

Un râteau et une herse de fer que l’on promène sur le sable ou la vase, dans les eaux peu profondes, et pendant les chaleurs de l’été, obligent les anguilles à sortir de leurs trous. Mais, par cette méthode, plusieurs poissons se trouvent blessés en pure perte.

La fouane dont on se sert pour la pêche des anguilles doit avoir plusieurs tranches rapprochées l’une de l’autre, qui se réunissent à une douille recevant une longue hampe. Cette forme est plus avantageuse que celle de la fouane à manche court et à deux ou trois branches, et sur-tout que celle de l’épée ou fouane simple, dont on se sert en quelques contrées pour cette sorte de pêche. Armé de la fouane, tantôt le pêcheur se promène sur le bord des eaux qui nourrissent beaucoup d’anguilles ; tantôt, soutenu par les espèces de raquettes dont il a été parlé, il s’avance sur la vase ; tantôt, monté sur un petit bateau, soit seul, soit avec des compagnons, il parcourt les eaux, il lance de côté et d’autre son instrument, comme s’il fouilloit le fond pour en faire sortir le poisson, ramène celui qu’il a piqué ; souvent il ramène plusieurs pièces à la fois, parce qu’ainsi qu’on l’a vu, les anguilles se plaisent à se réunir. Lorsqu’il y a généralement peu d’eau, c’est dans les fonds de cuves, c’est-à-dire dans les endroits les plus profonds qu’il faut les chercher de préférence. On les harponne aussi avec facilité pendant l’hiver, par les trous que l’on fait à la glace ; dans cette saison rigoureuse elles se rassemblent et s’entrelacent, sans chercher à s’échapper.

Ce n’est pas que l’on ne puisse aussi se servir, pour la pêche des anguilles, de la fouane à hampe courte et attachée à une corde ; on la lance du bord de l’eau, ou de dessus un bateau, sur les poisons qui passent à la portée du pêcheur ; mais cette méthode n’est fructueuse que pendant l’obscurité des nuits d’été, et quand l’air est calme. Le pécheur tient de la main gauche un flambeau de paille ou de quelque bois sec, et quand apperçoit une anguille, il la darde adroitement avec la fouane : s’il a un aide, celui-ci porte sur le rivage des feux de paille, de bois résineux, ou les alimente à la proue d’un bateau ; ces feux attirent les poissons qui viennent se présenter sous les dents de la fouane, ou se laissent envelopper par la truble, l’échiquier, ou l’épervier. (Voy. les articles de ces filets, de même que celui de la Fouane.) La truble qui sert à la pêche des anguilles doit avoir son cadre en fer, pour fouiller plus aisément dans la vase, de même que sous les pierres et les racines des arbres, retraites ordinaires des anguilles pendant le jour.

Sur quelques points de nos côtes de l’Océan, on fait un grand usage, pen-