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plus bas, et forment une nappe qui, s’étendant de proche en proche, couvre tout le terrain, et est reçue par le canal inférieur.

Cet arrosement est presque uniquement affecté aux prairies naturelles, dans le voisinage de Lodi ; mais il pourroit être employé à beaucoup d’autres cultures.

Son principal mérite est de communiquer aux végétaux une humidité vive qui les fait croître avec une rapidité prodigieuse. Il n’est pas rare de faire, sur un pré arrosé de cette manière, douze bonnes coupes de fourrage dans le courant de l’année, c’est-à-dire, une tous les mois. On prétend que le fourrage qui en provient est plus sain que celui fourni par les prairies où les eaux sont stagnantes : mais, ce qui est certain, c’est que l’air ambiant de ces prairies n’est point malsain comme celui qui passe sur les prés arrosés à la manière ordinaire, cela doit être ainsi : les eaux courantes assainissent l’air, tandis que les eaux stagnantes le méphitisent.

Pour établir cette sorte d’arrosement, il faut des eaux abondantes, des pentes variées, un climat chaud, toutes circonstances qui se rencontrent difficilement réunies ; mais, lorsqu’on les possède, il faut en faire usage. On pourroit s’en servir avec avantage pour la culture du riz, proscrite chez nous à cause des maladies qu’elle occasionne, et dont le germe seroit détruit, puisque la cause n’existeroit plus.

Arrosement par infiltration. Arroser par infiltration, c’est tenir l’eau au niveau du terrain. Cette espèce d’arrosement ne convient que dans les pays plats, dont le sol est spongieux, et où les eaux ont un cours très-lent. On entoure la pièce de terre, que l’on veut arroser de cette manière, de fossés plus ou moins larges et en proportion de l’étendue de la pièce et de sa perméabilité à l’eau. Le plus souvent on leur donne deux pieds de profondeur sur autant de largeur, ils sont creusés dans le fond en forme d’auget.

On arrose plus particulièrement de cette manière, les prairies naturelles destinées aux pâturages des bestiaux. La Hollande en offre des exemples très intéressans et très-multipliés. Les vastes plaines de la Batavie offrent d’immenses tapis de verdure, unis comme des tables de billards. Elles sont coupées par une multitude de canaux, de fossés, et de rigoles qui partagent le terrain en carrés plus ou moins grands, mais assez souvent de trois à quatre arpens d’étendue. Les rigoles ou fossés aboutissent à une bourse commune, au bord de laquelle se trouve établi un moulin à vent d’une construction extrêmement simple. C’est ce moulin qui est le régulateur des eaux. Menacent-elles de s’élever au dessus du niveau du terrain ? ses ailes sont mises au vent ; il enlève et verse dans le canal de décharge, les eaux surabondantes. Les eaux baissent-elles au dessous du niveau du sol ? il s’arrête ; et si elles deviennent trop basses, alors le canal de décharge les rétablit à leur niveau.

Sur ces pâturages on voit communément douze vaches, deux chevaux, huit moutons, et deux porcs, qui y séjournent nuit et jour depuis le printemps jusqu’à l’automne. On prétend que cette réunion de bestiaux est nécessaire, tant pour tirer tout le fruit possible de la prairie, que pour maintenir la bonne qualité de son herbage. Voici la raison que l’on donne de ce fait assez remarquable. Les vaches ne ramassant les herbages qu’avec la langue, ne les coupent qu’à trois ou quatre pouces de terre ; les chevaux qui viennent ensuite se nourrissent des herbes laissées par les vaches, et les pincent jusqu’à un pouce de terre ; arrivent alors les moutons qui aiment de préférence les herbes courtes, fines, et qui les broutent jusque rez-terre.