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tuer deux ou trois douzaines de bécassines, en un jour, dans un endroit où elles abondent, l’on peut à peine se procurer cinq à six sourdes, dans le même espace de temps. Mais l’excellente qualité de ce gibier, plus délicat encore que la bécassine, dédommage de la peine que l’on prend pour se le procurer. (S.)


BECFIGUE, (Sylvia ficedula Lath.) Presque tous les petits animaux au bec menu et effilé reçoivent confusément, en plusieurs pays, le nom de becfigue. Mais il n’en est qu’une à laquelle cette dénomination appartienne réellement ; son plumage la fait aisément distinguer, et les gourmets savent encore mieux la reconnoître à sa délicatesse, et au goût exquis qui en font les délices de nos tables.

Les naturalistes modernes placent le becfigue dans le genre des fauvettes, auquel ils assignent pour traits caractéristiques un bec mince, foible, presque toujours en alêne, et légèrement échancré à sa pièce supérieure ; de petites narines un peu enfoncées ; la langue fourchue à son extrémité ; quatre doigts, dont trois en devant et un en arrière ; le doigt extérieur joint vers sa base au doigt du milieu. Le plumage de l’espèce dont il est question dans cet article n’a que des teintes ternes et obscures. Un brun mêlé de gris règne sur toute la partie supérieure, et du blanchâtre sur l’inférieure ; il y a néanmoins un mélange de brun à la poitrine. Une tache blanche coupe transversalement les ailes dont la couleur est noirâtre, de même que celle de la queue.

Dans nos climats tempérés, les becfigues sont des oiseaux de passage : ils ne les parcourent qu’en voyageurs réunis en petites troupes de cinq à six, et les quittent avant les premiers froids de l’automne. Jusqu’à ce que les fruits, qui font leur nourriture de choix, soient parvenus à leur maturité, ces oiseaux se dispersent par couples dans les bois, et y vivent d’insectes. C’est dans ces retraites silencieuses qu’ils s’occupent de leur reproduction ; mais le soin qu’ils prennent de se percher et de nicher sur les arbres les plus élevés, le peu de grosseur de leur corps, de même que leur défiance, les ont rendus très-difficiles à suivre dans leurs amours, la construction de leurs nids, l’incubation, le nombre des petits, détails qui font l’intérêt et le charme de l’histoire des oiseaux. On s’est plus occupé à chercher les moyens de détruire ceux-ci, qu’à les observer.

Quand les fruits à pulpe molle, succulente et parfumée, sont murs, les becfigues abandonnent des retraites consacrées aux plus doux mystères, et où régnoient le bonheur et la paix. L’instinct, l’appétit dominant, entraînent ces oiseaux imprudens hors des bois, et les amènent dans les campagnes que l’industrie de l’homme a ravies à la nature. Ils abandonnent des habitudes sauvages qui faisoient leur sûreté : le gazouillement léger et foible qui est leur chant d’amour, est remplacé par un petit cri qui les décèle ; au lieu de l’asile impénétrable que leur offroient les plus hautes futaies, ils ne recherchent pas même l’abri d’un buisson protecteur ; ils se tiennent à découvert, courant à terre, ne s’élevant point au dessus des broussailles, des haies, des vignes ou des arbres dont les fruits sont pour eux des appâts si funestes. Ce champ d’abondance devient bientôt le champ de la mort. C’est là que leur chair se charge de la graisse fine et savoureuse dont nous faisons tant de cas ; c’est là qu’ils deviennent la proie de l’avidité des oiseleurs, soutenue et stimulée par l’avidité des gourmands.

Les figues, les mûres elles raisins, sont les fruits sur lesquels les becfigues se jettent de préférence. Dans nos contrées septentrionales, où les figues ne mûrissent point en pleine campagne, ils becquètent