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me, de l’approche des quadrupèdes carnassiers, ou de l’apparition des oiseaux de rapine.

L’on connoît, dans nos pays, deux espèces de bergeronnettes, qu’en plus d’un endroit on nomme vulgairement hoche-queues, parce qu’elles agitent incessamment leur queue par un balancement vertical ; habitude qu’elles partagent avec d’autres oiseaux dont les ornithologistes ont composé leur genre hoche-queue, (motacilla) qui a pour caractères le bec foible, menu, et un peu échancré à son bout ; la langue déchirée à son extrémité, et les pieds grêles. L’une de ces espèces, la bergeronnette jaune, (motacilla boarula L.) moins nombreuse que l’autre, n’a de jaune qu’au croupion et au ventre ; le reste de son plumage est d’un cendré olive. L’autre espèce, la bergeronnette de printemps, (motacilla vernalis Lath.) est plus jaune que celle à qui l’on a appliqué la dénomination de bergeronnette jaune. La couleur jaune est étendue sous tout le corps, et forme un trait au dessous des yeux et une petite bande transversale sur les ailes. Les autres teintes diffèrent peu de celles de la première espèce.

Les livres d’histoire naturelle indiquent, sous le nom de bergeronnette grise, une troisième espèce que la nature n’admet pas : ce n’est, en effet, que la lavandière dans son jeune âge. (Voyez Lavandière.)

Des deux espèces réelles de bergeronnettes, la seconde, c’est-à-dire la bergeronnette de printemps, est la seule qui donne lieu à une petite chasse, la seule par conséquent de laquelle il doive être question dans cet article. Les oiseaux de cette espèce sont des premiers qui reparoissent après leur voyage d’hiver ; ils font leur nid avec beaucoup d’art dans les prairies, ou au bord des eaux, sous une racine de saule ; leur ponte est de six à huit œufs, tachetés de brun, sur un fond blanc sale. En automne, on voit plusieurs familles réunies se mêler aux troupeaux, et y faire la chasse aux insectes.

Quand le bien s’opère, peu importe le motif qui détermine à le faire. Il est bien certain qu’une affection particulière n’est pour rien dans la réunion des bergeronnettes autour du bétail ; mais il est également certain qu’elles lui rendent de grands services, en le débarrassant d’une multitude d’insectes qui le tourmentent à la fin de l’été, et qui, l’empêchant de paître, le font dépérir. Cette considération est d’un assez grand poids, pour nous engager à imiter les anciens habitans de l’Égypte, qui plaçoient sous la sauve-garde des lois religieuses et civiles les animaux dont leur pays retiroit quelque utilité. Les bergeronnettes, auxquelles on doit une diminution sensible dans les myriades d’insectes nuisibles aux produits comme aux agens de l’agriculture, mériteroient sans doute une juste exception, une sorte de privilège qui les mît à l’abri de la destruction, et les rendît, pour ainsi dire, sacrées dans nos campagnes. Leur apparition sur des rivages lointains et brûlans est encore un bienfait pour les colons. Quand, vers la fin de l’automne, ces oiseaux fuyant les glaces de nos hivers, arrivent au Sénégal, la joie est générale parmi les habitans : cette époque désirée est celle de la fin des pluies et des maladies ; notre jolie bergeronnette y est accueillie comme l’heureux messager qui annonce le retour de la belle saison et de la santé.

Malheureusement pour cette espèce d’oiseaux, plus malheureusement encore pour l’agriculture, l’abondance des insectes qui pullulent en automne, offrant aux bergeronnettes de printemps une nourriture plus abondante, et en même temps plus facile, leur chair se charge de graisse, et acquiert la saveur délicate qui fait rechercher celle du