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tité de potasse, et son charbon sert à faire une poudre à canon de bonne qualité ; enfin, il remplace le chêne dans les pays où ce dernier arbre ne peut croître. Gilibert dit, dans ses Démonstrations élémentaires de Botanique, que les feuilles du bouleau sont la base de la couleur rouge que donne la garance, et qu’en les faisant bouillir avec l’alun, on obtient une pâte couleur de safran. Le même auteur ajoute qu’on retire une espèce de cire des chatons, et le noir de fumée utile aux imprimeurs.

Je terminerai cet article en parlant des usages auxquels on emploie la sève du bouleau ; les Russes s’en servent pour faire la bière, en place de la liqueur qu’on obtient après avoir fait infuser la drèche dans l’eau chaude ; ils y ajoutent du houblon, de la levure, et lui font subir les manipulations qu’on donne ordinairement à la bière.

On a fait, en Suède, avec cette sève, un sirop qui sucre moins que celui de l’érable, mais qui peut cependant remplacer le sucre dans plusieurs usages domestiques ; on a obtenu six livres de sirop sur quatre-vingt cannes, ou deux cent quarante bouteilles de sève.

Les habitans du Nord, cherchant à suppléer au vin que la nature leur a refusé, ont appris à composer des liqueurs spiritueuses avec le suc de certaines plantes, de certains fruits indigènes. Ils font, avec la sève du bouleau, un vin blanc et mousseux qui a à peu près le même goût que nos vins de Champagne, et qui est réputé très-salubre. On met ordinairement au fond du verre un morceau de sucre sur lequel on verse la liqueur, afin de produire une plus grande quantité de mousse, ou afin de donner au vin une saveur plus douce et plus agréable.

On emploie plusieurs méthodes pour obtenir la sève du bouleau. Celle qui est le plus usitée consiste à perforer le tronc de l’arbre à la profondeur d’un ou deux pouces, et un peu obliquement, de bas en haut. Le trou doit être fait à peu de distance du sol, et à l’exposition du Midi ; un seul trou suffit, quoiqu’on puisse en faire un plus grand nombre ; mais, dans tous les cas, on doit craindre d’épuiser l’arbre par une soustraction trop abondante de sa sève. On ajuste dans chaque trou un tube de bois, ou un tuyau de plume, qui sert a conduire la liqueur dans des vases qu’on place au dessous.

Quelques personnes coupent l’extrémité des branches de l’arbre, et laissent couler la sève dans des vases destinés à la recevoir. Lorsqu’on a obtenu une quantité suffisante de sève, ou bouche les trous avec des chevilles de bois, ou bien l’on enduit l’extrémité des branches avec de la poix.

Cette opération se pratique toujours au commencement du printemps, et l’on obtient d’autant plus de sève que l’hiver a été plus rigoureux. Les arbres de moyen âge, et ceux qui croissent dans les lieux élevés, produisent une plus grande quantité de sève. C’est vers l’heure de midi que cette sève coule en plus grande abondance.

Si l’on veut conserver l’arbre dans toute sa vigueur, et en retirer chaque année une récolte, il faut arrêter l’écoulement lorsqu’on a obtenu cinq ou six bouteilles de liqueur ; une plus grande extraction épuiseroit l’arbre, et pourroit même le faire périr.

Lorsqu’on a rassemblé une assez grande quantité de sève, on en fait du vin avec une addition de sucre, de levure de bière et d’aromate ; on met, sur cinquante bouteilles de sève, six ou huit livres de cassonade ; on fait bouillir ce mélange à un feu également soutenu, jusqu’à ce qu’il soit réduit aux trois quarts, ayant soin d’enlever l’écume qui se forme à la surface ; on passe la liqueur à travers une flanelle ; on la met dans un tonneau ; on y