Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

croissement est assez prompt, perd difficilement la vie, sur-tout si on la tire de l’eau pendant le froid ; elle peut alors être portée à vingt lieues, sans périr, pourvu qu’on l’enveloppe dans la neige, et qu’on lui mette dans la bouche un petit morceau de pain trempé dans de l’eau-de-vie.

L’abondance n’est pas la seule qualité de la nourriture que cette espèce peut fournir à l’homme ; c’est aussi un aliment agréable au goût et à l’œil. La chair de ce poisson, pris dans l’eau vive, est blanche et délicate ; et, si on lui trouve quelquefois peu de consistance, de la fadeur, et même une odeur désagréable de marais, c’est que la brème a vécu dans des eaux stagnantes et bourbeuses ; le milieu du corps est le morceau de choix. Nos ancêtres faisoient tant de cas de ce poisson, qu’ils disoient, par forme d’adage : qui a brame, peut bien bramer (régaler) ses amis. Les meilleures brèmes sont celles qui sont de grosseur médiocre ; la quantité d’arêtes dont la chair des petites est mêlée les rend incommodes à manger, et elles perdent de leur délicatesse lorsqu’elles ont acquis toute leur grosseur.

Elles sont communément plus petites que les carpes ; cependant l’on en trouve assez souvent, dans les contrées septentrionales de l’Europe, qui ont un pied et demi de long, et qui pèsent de douze à quinze livres ; on y en voit même dont le poids va jusqu’à vingt livres.

Dès que la succession des saisons ramène la douce chaleur du printemps, une agitation soudaine s’empare des brèmes ; elles abandonnent les fonds herbeux qui leur servent d’asile pendant le reste de l’année, et où elles trouvent une nourriture sans cesse renouvelée dans les plantes aquatiques, les vers qui s’y logent et la glaise qui les produit : on les voit s’approcher des rivages unis et garnis de joncs et d’herbes, nager en troupes nombreuses, avertir de leur passage par un bruit assez grand, remonter le courant d’une rivière qui communique au lac paisible, leur demeure accoutumée, se séparer en deux bandes distinctes, les femelles pressées de déposer leurs œufs, et les mâles non moins empressés de les féconder. C’est l’époque que la nature a marquée pour la reproduction de l’espèce, ou le moment du frai. Quoique privés de l’affection mutuelle qui, chez des animaux plus favorisés, naît au sein des feux de l’amour, les poissons ne montrent pas moins d’ardeur pour l’acte de leur propagation, et ses effets sont très-sensibles dans les brèmes, principalement dans les mâles. Plusieurs suivent une seule femelle ; et de petits boutons s’élèvent sur leurs écailles, et ne disparoissent qu’au bout d’un mois. Parmi les femelles, ce sont les plus grosses qui fraient les premières. Les œufs sont petits et rougeâtres : Bloch en a trouvé environ 137,000, dans une femelle qui pesoit six livres.

Ces poissons ont souvent dans leurs intestins des vers qui les font dépérir ; ils sont sujets à une phtisie mortelle : et si le froid se fait sentir avant la fin du frai, les femelles ne pouvant plus se débarrasser de leurs œufs, enflent et meurent.

Pèche de la Brème. Cette pêche est plus fructueuse au printemps qu’en toute autre saison ; c’est, comme on l’a vu, le temps du frai pendant lequel les brèmes se mettent en mouvement et se rassemblent. La Senne, le Tramail, la Louve, le Colleret, les Nasses, (Voyez tous ces mots) et autres engins, servent à les pêcher. On les prend aussi à la ligne garnie de vers de terre, qu’elles aiment beaucoup. En Allemagne, la pêche des brèmes se fait au son du tambour qui les épouvante et les pousse dans les filets. Si l’on pratique, en hiver, un trou à la glace d’un lac ou d’un étang où les brèmes abondent, on les voit se pré-