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du ventre plus près de la queue que des nageoires pectorales.

Rozier a parlé de ce poisson, dans son article Étang, tome IV, page 084 ; et, quoique ce qu’il en rapporte soit fort succinct, je me contenterai, pour ne pars trop grossir cet Ouvrage, de parler la pêche du brochet, et du parti que l’économie peut tirer de cette espèce, à l’exception néanmoins de sa multiplication dans les étangs, objet traité assez au long à l’article du Cours complet, que je viens d’indiquer.

Pèche et usages du Brochet. Tous les filets dont on se sert dans les rivières, la fouane et les lignes, sont employés à la pêche du brochet. Les nuits, dont l’obscurité est adoucie par le pâle flambeau de la lune, ainsi que les temps orageux, doivent être choisis de préférence lorsqu’on veut se livrer à cette pêche. Nul appât ne convient mieux que le goujon pour engager le brochet à mordre à l’hameçon ; à défaut de goujon l’on se sert de tout autre petit poisson, de grenouilles, etc. Dans quelques pays du Nord on le prend au trident, et au feu, pendant la nuit ; mais la pêche la plus abondante se fait l’hiver, sous les glaces, avec la fouane.

La chair de ce poisson est blanche, ferme, feuilletée, fort agréable au goût, et en même temps fort saine ; elle est excellente quand le brochet a vécu dans les eaux vives et qu’il n’a pas manqué de nourriture. Le foie est un mets délicat ; mais les œufs sont purgatifs et provoquent le vomissement. Cependant ces œufs perdent leur qualité malfaisante lorsqu’ils ont subi quelque préparation. En Allemagne, on en fait du caviar ; dans le Brandebourg, on les mêle avec des sardines, et l’on en compose un mets fort en vogue dans ce pays, où on le connoît sous le nom de netzin ; en Italie, les femmes du peuple les font bouillir dans l’eau avec la tête du poisson, et les mangent sans inconvénient, assaisonnés avec du persil et des épices communes.

Dans les vastes lacs de la Sibérie, où les brochets abondent, les pêcheurs laissent geler les produits de leurs pêches. On voit, par exemple, près de Kinskoi, des tas énormes de brochets gelés, et ces poissons y sont si communs qu’on ne les vend qu’à raison de trois sous les trente-trois livres ; on les transporte au loin tout gelés, par des voitures. Dans d’autres contrées du Nord, on les sèche, on les fume ou on les sale ; et voici le procédé que l’on emploie : on ne prend que les brochets dont le poids excède deux livres ; et après les avoir vidés, nettoyés et bien lavés, on les coupe par morceaux et on les étend par couches avec du sel dans des tonneaux. S’ils sont destinés à être sèches ou fumés, il suffit de les laisser pendant trois jours dans la saumure qui se forme ; mais s’ils doivent être salés, on les y laisse pendant un mois. On les ôte ensuite et on les met dans un autre tonneau avec du nouveau sel que l’on arrose communément à ce du vinaigre ; quelques uns ne mettent pas de nouveau sel, et se contentent de faire baigner le poisson dans le vinaigre. Les brochets préparés de cette manière sont un objet de grand commerce à Francfort-sur-l’Oder, d’où on les envoie en d’autres pays, principalement en Pologne. Les habitans de la Sibérie qui vivent sur les bords de la Kovima, rivière très-poissonneuse, pilent le brochet, le battent bien, y mêlent des ognons, du thym sauvage et du poivre, et en font des boulettes qu’ils mettent dans les soupes et dans les pâtés de poissons. Quelquefois ils donnent à ces boulettes la forme de gâteaux qu’ils font frire et qu’ils apellent des telnis.

Aucun poisson, peut-être, n’a la vie aussi dure que le brochet ; ou peut lui