Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/393

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chasseurs, qu’on a autant de facilité d’ajuster un canard qui se lève à soixante pas, qu’une perdrix qui part à trente.

L’hiver, lorsque les gelées commencent, c’est l’époque de l’affût strictement dit. À la faveur de la brune, on attend, au bord des eaux, la descente des canards ; ils viennent s’y jeter au déclin du jour, et on peut les tirer soit au vol, soit à leur chute dans l’eau. Cette chasse est ordinairement très-favorable, parce que les canards, au moment des premiers froids, sont dans une grande agitation, et circulent avec beaucoup plus d’activité ; enfin, lorsque la gelée, devenue plus forte, leur a retiré leurs asiles ordinaires, on les attend avec succès aux fontaines abritées et aux eaux chaudes et petites rivières que la glace ne couvre jamais. Leur perte y est d’autant plus assurée ; que ces endroits, seuls propres alors à satisfaire leurs besoins, sont plus rares, et par-là même le point d’un plus nombreux rassemblement. L’heure du matin est préférable pour battre les bords des petites rivières qui ne gèlent point. On y trouve infailliblement les canards enfoncés dans les cavités et sous les racines des arbres prolongées dans l’eau : c’est là qu’ils cherchent toutes les espèces de petits poissons dont ils font leur nourriture, et qu’ils se laissent approcher de très-près, attendant souvent même, pour partir, que le chasseur soit passé. Quelques Traités, particulièrement l’Aviceptologie française, recommandent la méthode de tirer le canard sauvage à la faveur d’une lumière disposée en réverbère. Ce dernier ouvrage a acquis assez d’autorité, pour qu’on puisse le citer avec confiance ; cependant je remarquerai que plusieurs praticiens n’accordent pas à cette chasse la même faveur ; quoi qu’il en soit, voici en quoi elle consiste : l’essai n’en est ni difficile, ni dispendieux.

L’on a un chaudron de cuivre bien nettoyé et bien clair en dedans, et une casserole de terre ou quelque vase semblable qu’on remplit de suif ou d’huile, et qu’on garnit de trois ou quatre mèches ; on voit que c’est une espèce de lampion. Avec cet attirail, on se rend, sur-tout pendant les nuits d’automne, sur le bord, des rivières ou des étangs ; on allume son lampion qu’on place à la gueule du chaudron, soutenu par un des chasseurs, de manière que le reflet de la lumière aille jouer sur l’eau, environ à la portée du fusil. Non seulement les canards, mais encore les autres oiseaux aquatiques sont attirés par le fantôme lumineux qu’ils saluent de leurs cris, comme si c’étoit un rayon de l’aurore naissante. C’est, pour les chasseurs armés de fusils, le signal d’avancer doucement, et avec précaution, se tenant toujours derrière le porte-réverbère, pour ne pas se faire appercevoir des oiseaux qui commencent à jouer et qu’ils peuvent alors tirer à leur aise. Si un homme seul entreprenoit cette chasse, il faudroit qu’il fixât son chaudron à quelque pieu, derrière lequel il se tiendroit, après avoir placé son lampion convenablement ; mais il seroit obligé de transporter son attirail à chaque coup de fusil qu’il lâcheroit, parce que le gibier ne reviendroit pas au même lieu et au même piège. On peut aussi, dit-on, faire cette chasse sur les rivières, au moyen d’un bateau couvert de roseaux, et dans lequel un ou plusieurs chasseurs se laissent dériver au courant, après avoir ajusté sur le devant une lumière quelconque, ou un réverbère du genre de celui qui vient d’être décrit.

Dans les pays voisins de la mer, les canards sauvages, et autres oiseaux aquatiques qui se rapprochent de cette espèce, passent régulièrement, le soir et le matin, de la mer aux eaux douces qui l’avoisinent, et de celles-ci à la mer. Ce passage habituel donne encore lieu à des affûts très-profitables au chasseur expérimenté. Il a soin de se cacher, au déclin