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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/394

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du jour, dans des trous et des cabanes, au bord des marais naturels ou des mares pratiquées dans des bas-fonds pour recevoir et retenir les pluies. Pour y attirer plus sûrement le gibier, on place autour de soi des appelants vivans ou tout au moins des simulacres d’oiseaux faits de terre ou de bois peint, ou même de peaux d’oiseaux empaillées ; ces machines s’appellent formes en quelques lieux, étalons dans d’autres, se posent sur des piquets enfoncés dans l’eau, ou flottent à la surface, quand elles sont faites de matières capables de surnager. Le matin, et à l’heure du retour des oiseaux vers la mer, on les attend sur les bords, dans des rochers ou des huttes faites de pierres et recouvertes de varech ou de terre. Ces mêmes retraites peuvent aussi servira l’affût du soir, pour tirer le gibier à la sortie de la mer. On peut enfin les fréquenter encore en plein jour, soit aux marées basses, lorsque les oiseaux aquatiques viennent chercher sur la vase le frai, les petits poissons, les herbes marines, etc. ; soit par les grands vents qui les obligent à quitter la mer où ils ne peuvent se tenir à flot, et à chercher un abri dans les prairies et les marais voisins.

À la suite de ces notions générales, où j’ai rassemblé les détails les plus essentiels et propres à guider, à peu près par-tout, la marche du chasseur qui veut tirer les canards sauvages, j’ai cru devoir placer quelques méthodes plus particulières à certains endroits, et presque exclusivement adaptées à leurs localités. Leurs avantages m’ont paru les rendre dignes d’être connues, et peut-être, par suite, imitées par des propriétaires dont les possessions offriroient des circonstances et des localités approchantes de celles où ces méthodes sont si heureusement appliquées. Un des cantons de France les plus riches en oiseaux aquatiques, et qui suffit en grande partie à en approvisionner Paris, est ce pays où coule la Somme, depuis Amiens jusqu’à la mer. Il s’y pratique, entr’autres chasses, celle dite à la hutte ; elle passe pour une des plus destructives des canards. La hutte est une petite cabane basse pouvant contenir un ou deux hommes seulement. On la forme de branches de saule recouvertes de terre, sur laquelle on plaque du gazon. Sa place doit être à la proximité d’un marais, et sur le penchant d’une mare naturelle ou artificielle de cinquante à soixante pas de diamètre, et où l’on puisse conduire l’eau d’une fosse voisine, s’il n’y en séjourne point naturellement une assez grande quantité. Le pied de cette hutte doit baigner dans l’eau ; mais son intérieur doit être assez exhaussé pour que le chasseur, que dans le pays on nomme hutteur, y repose à sec. Son équipage se compose d’une couverture pour l’envelopper dans les grands froids, et se coucher sur la paille étendue dans la hutte, d’une paire de bottes impénétrables à l’eau, d’un barbet dressé à aller chercher les canards et autres oiseaux tombés sous les coups de fusil, d’un fusil de gros calibre on d’une canardière, armes dans lesquelles on peut forcer la charge de poudre et de plomb, de manière à ce que souvent un seul coup abat douze ou quinze pièces ; enfin de quatre à cinq appelants ou canards demi-sauvages, demi-privés, parmi lesquels un ou deux mâles, et quelquefois de ces figures de canards plantées sur des piquets appelés étalons, et déjà décrites plus haut.

Comme toutes les chasses aquatiques forcent souvent à descendre dans l’eau, je crois que le lecteur trouvera avec plaisir la recette pour se procurer des bottes imperméables.

Dans une mixture encore chaude de suif fondu avec de la cire, de l’huile ou de la graisse de lard, on verse de la térébenthine ; on recouvre le tout, et on le conserve dans un vase exactement bou-