Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/396

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de la rivière n’est jamais interrompu. Aussi est-il alors le rendez-vous de bandes nombreuses de canards sauvages. Les riverains leur font la chasse au fusil, au moyen d’une huile ou espèce de grand panier d’osier, large de trois pieds sur quatre, haute de six, et recouverte d’un enduit de fiente de vache et de glaise. Cette hutte repose sur deux traverses, ou pièces d’équarrissage, fixées en croix, et aux extrémités desquelles sont des rouleaux placés de manière à tourner dans toutes les directions. Le chasseur armé de boites impénétrables à l’eau, d’un croc de batelier, et d’un fusil ou canardière, pose ses pieds sur ces traverses, et, quand il veut changer de place, il appuie son croc sur la glace, presse de ses pieds les traverses, et se dirige où il le juge convenable. C’est toujours vers les mêmes points de la rivière où l’on a observé que les canards se portent pendant le jour ; et là, le bruit de leurs mouvemens guide contre eux l’oreille et la main du chasseur. Ces expéditions se font la nuit : on ne sort point de sa cabane pour ramasser sa proie à chaque coup de fusil tâché ; on attend le jour pour recueillir tout à la fois. Les chasseurs d’un canton se partagent le cours de la rivière, et nul n’empiète sur les limites de son voisin.

Enfin, il se fait, sur la Saône et dans les prairies qui l’a voisinent, une chasse aux canards, sarcelles et autres oiseaux d’eau, qui passe pour très-fructueuse, sur-tout lorsque les prairies sont inondées, et que l’on peut les parcourir en bateau. Ces bateaux sont construits exprès pour cet usage ; dans le pays, on les appelle fourquettes, et il y en a de trois sortes : la petite, la moyenne et la grande. La première est en sapin, longue de dix pieds au plus sur deux de large au fond, et un pied de bord. La seconde, construite en chêne, a, de longueur, jusqu’à quinze pieds, deux et demi de fond et un de bord. Enfin, la troisième, aussi en chêne, a dix-huit à vingt pieds de long, trois au moins de large au fond, et un pied et demi de bord. Les deux premières servent par des temps calmes ; la troisième est propre à chasser dans un temps de vent. L’avant de ces bateaux est garni d’un fagot de menu bois solidement attaché, et dans le milieu duquel on a ménagé un trou pour passer le bout des armes ; ce fagot sert, de plus, à couvrir le chasseur et le rameur, assis à plat au fond du bateau. Les armes employées pour cette chasse sont connues dans le pays sous les noms de canardière et de grand fusil. Les chasseurs, outre le dernier, en ont ordinairement deux de la première espèce ; l’une dite grande canardière, et l’autre moyenne. La grande a jusqu’à sept pieds de canon, et se charge d’environ une once de poudre, et de plomb à proportion. Les deux canardières sont toujours posées au trou du fagot ; le grand fusil, plus portatif, est ménagé pour tirer au vol dans l’occasion. Ces armes se commandent exprès, à Saint-Étienne ou à Pontarlier. Le succès de cette chasse dépend beaucoup de la dextérité du rameur, et de son adresse à approcher le gibier. Un temps calme et sombre est une circonstance qui la favorise singulièrement ; de trop grands vents lui sont absolument contraires.

Telles sont les pratiques les plus généralement et utilement employées dans la chasse des canards au fusil ; il me reste à décrire celles où celle arme est remplacée par des pièges souvent non moins efficaces.

À la glu. Il faut prendre trois ou quatre livres de vieille et bonne glu, y ajouter, par chaque livre, deux poignées de charbon de paille, ou paille brûlée, et une très-petite quantité d’huile de noix ; on petit prendre pour base et pour mesure un dé à coudre qu’on remplit autant de fois qu’on emploie de livres de glu. Lorsque le tout est suffisamment