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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/416

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quement par la ténuité de leurs parties, qui divisent les terres fortes et corrigent leur défectuosité ; ensuite, comme matière déliquescente, ayant la faculté, ainsi qu’il a été expliqué, de soutirer l’eau et l’air de l’atmosphère, de décomposer ces deux fluides, et de donner aux résultats de leur décomposition les formes qu’ils doivent avoir pour accomplir le vœu de la nature dans la végétation. Voilà du moins ce qu’il est permis de conjecturer d’après l’expérience, qui prouve que tous les sels qui se résolvent en eaux, toutes les terres calcaires approchantes de l’état de chaux vive, toutes les frittes, sont utiles comme engrais.

Ce n’est donc point par un effet corrosif que les cendres, même les plus alcalines et les plus recuites, agissent sur les prairies ; elles ne détruisent les plantes parasites, que parce qu’elles s’emparent avidement de l’humidité qui a servi à leur développement, et dont la surabondance est nécessaire à leur constitution physique et à l’entretien de leur existence. Ces plantes, naturellement molles, pour ainsi dire aquatiques, ayant les racines presqu’à la surface, sont bientôt mises à sec, par ce moyen se flétrissent, et finissent par mourir de soif ; au contraire, les plantes qui forment les prairies étant d’un tissu plus solide, fortifiées par l’âge et les rigueurs de l’hiver, ayant une racine plus profonde, ne souffrent aucune altération. Débarrassées des mauvaises herbes qui les étouffoient et partageoient, en pure perte, leur subsistance, elles reçoivent une nourriture proportionnée à leurs besoins, s’échauffent, se raniment, et font la loi aux mousses, aux joncs, aux roseaux, et à toutes les plantes qui rendent les foins aigres et durs ; d’où il résulte un fourrage plus fin et de meilleure qualité. C’est ainsi que les cendres paroissent agir dans toutes les circonstances où leur usage est recommandé, soit pour les prairies naturelles et artificielles, soit pour les pièces de grains qui languissent au printemps, et annoncent une récolte médiocre, sur-tout dans une année froide et humide, parce qu’alors les plantes qui les composent sont dans un état de leucophlegmatie, c’est-à-dire gorgées des principes qui constituent l’eau, et d’eau même.

Cette courte discussion sur la manière d’agir des cendres, explique, 1°. pourquoi elles sont d’autant plus efficaces, qu’elles ont été conservées dans l’état sec ; 2°. pourquoi une seule mesure, en cet état, fait plus de profit que deux de cendres qui auroient été exposées à l’air ; 3°. enfin, pourquoi les cendres lessivées, étant soumises de nouveau à la calcination, reprennent leur première activité, et ne contiennent point pour cela de la potasse.

Mais, sans insister davantage sur les conjectures que je viens de hasarder, relativement a la manière d’agir des cendres, toujours est-il certain que l’expérience et les observations des meilleurs cultivateurs leur assignent le caractère d’un excellent amendement ; et que si elles sont employées en raison et en proportion convenables, elles fertilisent les terres froides et humides, favorisent d’une manière très-marquée la végétation languissante, détruisent, sur les prairies et sur les grains, la mousse et les autres plantes parasites qui en tapissoient la surface, moins, il est vrai, par leur âcreté que par l’absorption brusquée et presque totale de la surabondance de l’humidité qui les fait naître, et sert à l’entretien de leur existence.

Les cendres ont encore l’avantage de détruire promptement les insectes et les limaçons, qui ne se plaisent nullement sur un terrain qui en est parsemé. On connoît aussi, dans le jardinage, leurs effets aux pieds des arbres malades et elles servent à la composition du chau-