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chasses, aussi bien qu’aux mots qui forment les dénominations des instrumens que l’on y emploie. Je ne traiterai donc ici que de la chasse en plaine avec le fusil et les chiens couchants, ou avec les lévriers. Le choix d’une bonne arme est ce qui doit d’abord occuper le chasseur. Avant l’invention de la poudre à canon, l’arc et l’arbalète servoient à la chasse comme à la guerre ; vinrent ensuite les arquebuses, qui bientôt furent remplacées par les fusils, dont le service est beaucoup plus facile et plus commode. Les principales manufactures qui fournissent les fusils de chasse, en France, sont celles de Saint-Étienne, de Charleville, de Pontarlier, et de Versailles ; les armes de cette dernière fabrique sont très-renommées par leur perfection. On préfère les fusils dont le canon est à ruban ou tordu.

On nomme ruban, une lame de fer de six à sept pieds de longueur, forgée avec de vieux fers de chevaux, des clous de maréchaux et de vieilles lames de faulx. Après l’avoir bien corroyée et étirée, on roule cette lame sur toute la longueur d’un canon plus mince et plus léger qu’à l’ordinaire. L’art de fabriquer les canons à rubans n’est point du ressort de ce Livre ; il suffit de prévenir les chasseurs que ces sortes d’armes, dont on doit l’invention aux Espagnols, sont d’une solidité supérieure à celle des fusils communs, et qu’ils se paient plus cher que les autres, parce qu’ils coûtent plus de travail. Si l’on veut s’assurer qu’un canon de fusil est réellement forgé à ruban, l’on choisira une petite place dans quelque partie du dessous, on l’adoucira s’il le faut, avec une lime douce, et l’on y passera ensuite de l’eau forte avec la barbe d’une plume ; cette très-simple opération fait découvrir facilement la direction en spirale du ruban.

Le même procédé sert également à reconnoître si un canon de fusil est tordu ; mais il ne faut pas faire cette dernière expérience aux extrémités du canon, parce qu’il est rarement tordu d’un bout à l’autre ; on ne le tord ordinairement que sur une longueur de dix-huit pouces, en partant de l’extrémité du tonnerre ; ce n’est pas que les canons entièrement tordus ne soient préférables, mais c’est une opération lente et délicate dont les ouvriers aiment à se débarrasser. Au reste, ils tordent les canons en les portant bien rouges, à mesure qu’ils les forgent, à l’étau dans lequel une extrémité du canon est serrée, tandis qu’un fer coudé, passé dans l’autre extrémité, donne les torses.

Il est important de soumettre à l’épreuve les fusils que l’on achète, afin d’éviter les accidens auxquels on est exposé lorsque les canons viennent à crever. Cette épreuve a lieu, pour l’ordinaire, en faisant tirer aux canons fixés et assujettis sur un banc construit exprès, et que l’on appelle banc d’épreuve, deux coups de suite : le premier, avec une charge de poudre égale au poids de la balle de dix-huit à la livre ; et le second, avec une charge diminuée d’un cinquième ; à l’un et à l’autre coup, on met une balle de calibre dans le canon. Dans les manufacturés de l’État, lorsque les canons de fusil ont subi cette épreuve, ils passent à la révision, et ne sont reçus définitivement, qu’après un séjour d’un mois, dans un lieu bas et humide, où ils se chargent de rouille dans les parties qui ont quelques défauts, ce qui les indique parfaitement. Les fusils de chasse ne sont communément soumis qu’à une seule épreuve, chargés avec une demi-once de poudre, et une balle. Cependant l’on-exige quelquefois, mais assez inutilement, que l’épreuve soit réitérée une ou deux fois.

Quand un fusil crève, ce n’est pas toujours par un défaut de fabrication ; cet accident provient quelquefois de la faute