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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/442

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qu’il emploie à l’espèce de gibier qu’il poursuit. Voici quel est communément l’usage des dragées de plomb, suivant l’ordre de leur grosseur, que dans le commerce on distingue par numéros : le n°. 1, quand on ne se sert pas de balles ni de chevrotines, est bon pour le loup, le chevreuil, l’outarde, l’oie sauvage, etc. ; le n°. 2 s’emploie pour le renard ; le n°. 3 pour le lièvre ; le n°. 4 pour toutes sortes de gibier en plaine ; le n°. 5 pour les perdreaux ; le n". 6 pour la caille et la bécassine ; le n°. 7 ou menuise, pour les grives ; et les nos. 8 et 9 ou cendrées, pour les petits oiseaux. Un chasseur armé d’un fusil à deux coups, a l’avantage de charger un canon d’une dragée plus forte, et de pouvoir ainsi porter ses coups avec plus de certitude, suivant les rencontres. Une observation essentielle, c’est que, pour tirer la même espèce de gibier, il faut que le plomb soit plus gros en hiver qu’en été, parce que les animaux sont plus durs et mieux fourrés pendant les froids que pendant les chaleurs.

On évalue la charge ordinaire d’un fusil avec de la dragée, au poids d’une balle de six lignes de diamètre. Suivant l’auteur de la chasse au fusil, bon juge en cette matière, une once ou une once un quart de plomb suffit pour les fusils de calibre ordinaire, avec un gros ou tout au plus un gros et un quart de bonne poudre. Cependant, ajoute le même auteur, lorsqu’on veut se servir de grosse dragée, il est bon d’augmenter d’un quart la charge de plomb. Quelques uns déterminent la charge du fusil, par le poids de sa balle de calibre, fixant le poids de la poudre au tiers du poids de la balle, soit que l’on tire à balle, soit que l’on charge avec de la dragée ; et celui de la dragée à moitié en sus ou tout au plus au double du poids de la balle, ce qui revient à peu près à la règle établie par l’auteur de la chasse au fusil.

D’autres prescrivent, pour la poudre, une mesure de même diamètre que le canon, et double en profondeur de ce diamètre ; pour le plomb, une mesure de même diamètre, et d’un tiers moins profonde que celle de la poudre. Mais toutes ces mesures ne diffèrent que fort peu entr’elles, et peuvent être employées indistinctement, en ayant égard au calibre du fusil, à l’espèce de gibier et à la saison.

Beaucoup de chasseurs, et particulièrement les braconniers, s’imaginent que la quantité de poudre fait tuer plus de gibier, et ils mettent, pour le même motif, le plomb à poignée. Les fusils remplis de ces charges excessives, repoussent violemment et donnent de vigoureux soufflets à ceux qui les tirent ; ces mouvemens, ou plutôt ces commotions imprimées à l’arme, dérangent la ligne de mire, empêchent souvent de tirer juste, et font quelquefois crever le fusil. Ces accidens ne corrigent point les braconniers, vrais assassins de gibier, qui, ne voulant tirer qu’à coup sûr, ne lâchent leur coup que quand l’animal sauvage n’est pas à une distance plus grande que vingt-cinq ou trente pas, et veulent qu’il soit tué roide. Aussi le gibier, que ces sortes de gens abattent, est-il tout fracassé et ouvert par une large plaie, qui l’empêche de se conserver, et qui est l’effet de la masse de plomb, auquel une trop petite portée ne permet pas de se diviser.

On peut augmenter la charge du plomb avec moins d’inconvénient que celle de la poudre ; cependant il ne faut pas que cette augmentation excède trop les proportions indiquées ; autrement, la poudre n’ayant plus assez de force pour chasser cette quantité de plomb, plusieurs grains tombent avant d’atteindre le but, et ceux qui y arrivent ne font presque plus d’effet. C’est dans ce sens que doit s’entendre ce commun adage de chasse : chiche de poudre et large de plomb ; ou, en d’autres termes : peu de poudre et beaucoup de