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plomb amène le gibier à la maison.

En chargeant le fusil, la poudre ne doit pas être trop bourrée par la baguette ; le plomb doit l’être moins encore ; une pratique contraire fait trop écarter la dragée. La bourre se forme avec du papier brouillard, de la mousse de pommiers, de l’étoupe et d’autres matières souples et sèches.

Dès que l’on a tiré un coup de fusil, il faut recharger l’arme aussitôt, et n’amorcer qu’après avoir chargé. Mais on ne doit pas négliger auparavant d’essuyer avec soin le bassinet, la platine, le chien et la pierre ; il est bon aussi de passer dans la lumière l’épinglette ou une plume d’aile de perdrix, dont les barbes enlèvent l’humidité ; faute de cette légère précaution, l’espèce de crasse que la poudre laisse dans le fusil en s’enflammant, bouche la lumière en tout ou en partie, et expose à faire long feu ou à rater. L’humidité de la poudre est encore une des causes du long feu ; aussi fera-t-on bien de changer l’amorce du fusil, lorsqu’on se dispose à chasser, n’y fût-elle que de la veille. On doit encore renouveler fréquemment la pierre, et ne pas attendre qu’elle ait raté. Lorsqu’on a tiré plusieurs coups avec un fusil, il ne faut pas manquer d’en laver l’intérieur du canon avec de l’eau tiède. Un fusil sale part moins bien et porte moins loin. J’ai connu des chasseurs passionnés, qui lavoient leurs fusils après chaque chasse, quand même ils n’auroient tiré qu’un seul coup. À la maison, le fusil sera placé dans un lieu sec et chaud ; on l’entretiendra très-propre, et on le frottera légèrement de temps à autre, avec une pièce de drap un peu grasse, ou avec une patte de lièvre, sur laquelle on aura versé quelques gouttes d’huile d’olive, et qui conserve long-temps son onctuosité.

Les plus habiles tireurs au blanc ne peuvent, le plus souvent, tuer une pièce de gibier à la chasse ; à moins qu’elle ne soit arrêtée, le chasseur ne l’a jamais parfaitement sur la ligne de mire de son fusil, il la devance et tire à l’endroit où l’animal sera lorsque le coup y arrivera ; il vise aussi plus au dessus ou au dessous, suivant les occurrences ; mais en général, il doit plutôt tirer trop haut que trop bas. L’expérience apprend au chasseur à diriger son coup le plus avantageusement, et lui indique la distance à laquelle il peut tirer le gibier sans risquer inutilement un coup de fusil. La bonne portée est, généralement parlant, depuis vingt cinq jusqu’à cinquante pas.

Ce n’est pas assez, pour un chasseur, d’être muni d’un bon fusil, de la meilleure poudre et des autres accessoires ; il parcourroit les plaines au hasard, et sa chasse seroit fort incertaine, s’il n’étoit accompagné d’un chien couchant. D’anciennes chroniques rapportent qu’en France on employoit encore, pour la chasse, les ours, les lions et même les léopards, compagnons trop redoutables pour qu’une pareille coutume, si elle a réellement existé, n’ait pas bientôt passé de mode. Quoique de nature féroce et carnassière, le chien est devenu près de l’homme, le plus doux, le plus docile, comme le plus intelligent des animaux ; il a renonce a ses appétits destructeurs, et il s’est soumis à n’avoir plus d’autre volonté que celle de son maître, dont il comprend les paroles et les gestes, dont un regard suffit souvent pour qu’il en devine l’intention. C’est en quelque sorte un nouveau sens que l’homme a acquis hors de lui ; c’est un gardien sûr et incorruptible, un ami constant et désintéressé, que la plus affreuse adversité ne rebute point ; et si les excellentes qualités de ce précieux animal l’ont rendu digne de la compagnie des hommes, elles ont mérité aussi d’être offertes en exemple, comme le plus parfait modèle des principales vertus sociales.

Parmi les races nombreuses de chiens,