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ont un maître doux et patient. Il en est cependant de moins bien disposés, pour lesquels on est obligé d’employer le collier de force, dont il sera bientôt question.

Quand le chien rapporte on lui dit, pour l’ordinaire : haut ici, apporte ; et il se dresse, les pattes de devant appuyées sur la poitrine de son maître. L’on veut à présent, qu’au lieu d’arriver franchement et avec l’air de contentement qu’il montre toujours quand il croit avoir bien fait, le chien s’arrête dès qu’il est aux pieds du chasseur, se retourne et se dresse en lui présentant le dos et sans le toucher de ses pattes ; mais cette sorte de raffinement ne sert qu’à tourmenter le chien, devient inutile au vrai chasseur, qui n’attache pas une grande importance à sa toilette, et le prive du plaisir de récompenser son chien par ses caresses, comme le chien du plaisir de les recevoir.

Après le moulinet, on fait rapporter au chien une aile de perdrix, une peau de lapin ou de lièvre, que l’on remplit par degrés de terre ou de pierres, afin d’habituer le jeune animal à porter les lièvres ; et l’on a soin de lui faire saisir celle peau par le milieu.

On lui donne en même temps des leçons d’obéissance ; il suffit, pour cela, de le mener promener, de le rappeler, quand il s’écarte, par ces mois : retourne ou ici, à moi ; de le caresser s’il revient, de le corriger s’il n’obéit pas, et de lui dire : derrière, lorsqu’on veut qu’il suive. Vers un an d’âge, il est temps de le mener en plaine, et de lui faire connoître le gibier. Il court d’abord après tout ce qu’il rencontre ; les pigeons, les alouettes, tous les oiseaux deviennent l’objet de son ardeur. Il faut le laisser faire, jusqu’à ce qu’il se soit attaché aux perdrix qu’il court aussi bien que les autres oiseaux. Il est temps alors de commencer à le contenir, et de faire usage du collier de force. C’est un collier de cuir, garni de trois rangées de petits clous, dont les pointes sortent de trois à quatre lignes ; un double cuir est cousu sur la tête des clous, afin qu’ils ne reculent pas lorsqu’on appuie sur la pointe. À chaque extrémité du collier est un anneau et non une boucle, dont l’effet seroit de piquer continuellement le col du chien. On attache à l’anneau du collier de force, un cordeau de vingt à vingt-cinq brasses, qu’on laisse traînant. On ne souffre pas que le chien s’écarte trop, et si cela arrive, on le rappelle en saisissant le cordeau, et lui donnant une petite saccade ; il revient aussitôt, et l’on ne doit pas manquer de le caresser et de lui offrir quelques friandises dont il faut avoir provision. S’il fait partir une alouette ou un petit oiseau, et qu’il coure après, on lui fait sentir les pointes du collier, et on lui crie :fi, haut le nez. Quelques saccades le retiennent, s’il pousse ou bourre les perdrix qui partent, et on lui crie : tout beau ; mais s’il les arrête, des caresses et des friandises doivent être sa récompense.

Il y a des chiens de bonne race qui arrêtent naturellement ; c’est du temps et de la peine de gagnés. On habitue ceux qui ne présentent pas le même avantage à arrêter, en leur jetant devant le nez un morceau de pain, en les tenant par la peau du col, et leur disant : tout beau ; et lorsqu’ils ont gardé pendant quelque temps le morceau de pain, on les lâche, on leur dit : pille, et on leur laisse prendre le pain. S’ils montrent trop d’ardeur pour se jeter sur la proie avant d’avoir entendu le mot d’ordre, pille, on les corrige, et on répète la leçon jusqu’à ce qu’ils gardent bien, sans qu’il soit besoin de les tenir, et qu’ils laissent faire autour d’eux plusieurs tours à celui qui les dresse, lequel fait semblant de tenir en joue le morceau de pain. On ne les fait jamais manger, soit à la maison, soit à la campagne, sans les avoir soumis à l’épreuve du tout beau et du pille.