Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/446

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pour faire l’application de ces leçons au gibier, on répand sur les champs quelques petits morceaux de pain, frits dans du saindoux, avec des vidanges de perdrix, et pour en reconnoître la place, on fiche à côté des petits piquets fendus au haut, qui portent une carte ou du papier. On met le chien en quête, et lorsqu’on s’aperçoit que son odorat est frappé par le pain frit, et qu’il est prêt à se jeter dessus, on crie : tout beau ; s’il ne s’arrête pas, on le châtie. Il ne tarde pas à s’arrêter de lui-même ; alors on porte un fusil chargé d’un demi-coup de poudre, que l’on tire au lieu de prononcer le mot pille. À mesure que l’on continue cet exercice, on tourne toujours plus longtemps autour du chien, afin de l’habituer à garder son arrêt, et quand il est accoutumé au coup de fusil, et à arrêter par-tout, on le mène à la perdrix. Il faut tirer à terre devant le nez du chien que l’on dresse à l’arrêt, cela contribue beaucoup à l’affermir ; on ne doit tirer au vol que lorsqu’il est parfaitement dressé.

Dès qu’un chien est instruit à l’arrêt de la perdrix, il arrêtera de même le lièvre et les autres espèces de gibier. Il n’est guères de chiens qui ne courent le lièvre, sur-tout lorsqu’ils sont éloignés du chasseur ; il n’y en a point, non plus, qui ne poussent quelquefois le gibier, principalement quand ils vont avec le vent. Dans ces cas, il faut être très sobre de châtimens ; il suffira de gronder, et même pour corriger le premier de ces défauts, il n’est pas d’autre moyen que de conduire les chiens dans des cantons remplis de lièvres, parce qu’à force d’en voir, ils se dégoûtent de les poursuivre.

Avec le cordeau traînant et le collier de force, on peut, comme on l’a vu, accoutumer le chien à croiser et barrer en quêtant devant le chasseur. On s’y prend encore d’une autre manière : Quand le chasseur voit son chien percer en avant, il lui tourne le dos, et marche en sens contraire ; le chien ne tarde pas à chercher son maître ; et lorsqu’il s’en approche, il doit recevoir les encouragemens ordinaires. Si l’on continue cette manœuvre, le chien devient inquiet, craint de perdre le chasseur, et ne quête jamais long-temps, sans tourner la tête pour observer sa démarche, ce qui l’oblige à croiser devant lui.

Un jeune chien qui fouille et porte le nez à terre, ne sera jamais qu’un mauvais chien d’arrêt, si on ne parvient à lui faire perdre cette habitude, en lui criant : haut le nez, et le grondant ; ce qui le rend inquiet, l’agite, et le fait aller de côté et d’autre, jusqu’à ce que le vent lui ait apporté le sentiment du gibier. Il n’en faut pas quelquefois davantage pour le faire chasser le nez haut par la suite.

Telle est l’une des manières les plus sûres et les moins pénibles de dresser les chiens d’arrêt ; c’est aussi l’une de celles où il faut le moins battre ces pauvres animaux. Les gardes-chasses ont d’autres pratiques dans lesquelles, ainsi que je l’ai déjà remarqué, les coups et les jeûnes jouent le plus grand rôle ; mais ces gens-là sont plutôt les bourreaux que les maîtres des chiens de chasse.

M. Desgraviers, dont j’ai déjà cite l’Ouvrage[1], a décrit un procédé aussi simple que doux pour dresser les chiens couchans, et les rendre supérieurs en tout point : les chasseurs ne peuvent mieux faire que de lire ce procédé dans l’Ouvrage même, et de le mettre en pratique. Je terminerai ce qui a rapport à l’éducation des chiens, en rapportant des réflexions très-judicieuses du même M. Desgraviers.

« Que votre chien vous aime, dit cet habile veneur, et ait appris, par des moyens adaptés aux rapports de son in-

  1. J’ai donné le titre de ce bon Livre de Chasse, à la page 325. en note.