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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/466

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vivent ensemble et ne se quittent jamais. Ils montrent le même attachement pour les auteurs de leurs jours ; ils restent avec leurs père et mère, jusqu’à ce que ceux-ci soient en état de produire de nouveau ; ainsi, l’on voit toujours les chevreuils dans une union successive de frères et d’amans, ou bien en famille, c’est-à-dire, le père et la mère avec deux ou trois petits. Et ce qui prouve que ces réunions n’ont point d’autre motif qu’une affection réciproque, c’est qu’ils ne peuvent se servir mutuellement en rien pour les besoins communs de la vie. Ceux de l’amour sont de trop peu de durée pour influer sur d’aussi intéressantes associations ; les chevreuils ne ressentent les ardeurs du rut que pendant environ quinze jours par année, et cette époque a lieu, depuis la fin d’octobre jusqu’à la mi-novembre. La chevrette porte cinq mois et demi, et elle met bas à la fin d’avril ou au commencement de mai, ordinairement deux petits, quelquefois trois, et plus rarement quatre ou cinq. Elle les dépose dans l’endroit le plus fourré de la forêt, pour les mettre à l’abri de la dent du loup et de la recherche de l’homme. Au bout de dix à douze jours, les jeunes faons ont déjà pris assez de force pour suivre leur mère qui ne cesse de les surveiller, et de montrer pour eux l’inquiétude la plus tendre et la plus courageuse. Si quelque danger les menace, la tendresse maternelle l’emporte sur la foiblesse et le manque de moyens de défenses ; la chevrette court au devant des chiens ameutés, pour les écarter de sa progéniture, leur.fait face, se laisse chasser par eux dans une fuite simulée, et revient dès que le péril est éloigné.

Les chevrotins portent la livrée pendant les six premiers mois de leur vie, de même que les faons de la biche et les marcassins. Vers la fin de leur première année, leur première tête commence à paroître sous la forme de deux dagues, et on les nomme daguets ou jeunes brocards ; à leur troisième année, ils prennent le nom de vieux brocards, et chaque perche jette un andouiller en avant, à environ trois pouces au dessus de la meule ; ensuite elles ont chacune un second andouiller en arrière, à deux pouces, pour l’ordinaire, au dessus du premier. Dans les années suivantes, il paroît encore d’autres andouillers. Quand il y en a huit à dix, c’est-à-dire quatre ou cinq sur chaque perche, on donne à l’animal le nom de chevreuil de dix cors ; alors il est vieux, mais, quoique vieux, il n’a souvent pas le nombre complet de dix andouillers ; dans ce cas, on reconnoît son âge par la grosseur des perlures, la largeur et l’épaisseur des meules, etc. Il y a plus de gouttières sur le bois du chevreuil que sur celui du cerf, et ce bois est moins grand à proportion de la taille de l’animal. Le chevreuil n’a point de larmiers, et sa queue n’est point apparente à l’extérieur.

C’est au printemps que le cerf met bas sa tête, et il la refait en été ; le chevreuil, au contraire, la met bas à la fin de l’automne, et la refait pendant l’hiver ; aussi ne se recèle-t-il pas comme le cerf, pour éviter les mouches, mais il marche la tête baissée et avec précaution, afin de ne pas rencontrer des branches ; lorsqu’il l’a refaite, il la touche au bois, communément dans le mois de mars.

Moins rare en France que celle du cerf, l’espèce du chevreuil n’y est cependant pas commune ; toutes les forêts ne lui sont pas propres, et elle se rencontre plus fréquemment dans les pointes des bois environnés de terres cultivées, que dans l’épaisseur des grandes forêts. Les chevreuils changent de demeure deux fois par année. En hiver, les endroits élevés des taillis les plus fourrés leur servent d’abri contre les froids ; ils y vivent de ronces, de genêts,