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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/467

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de bruyères, de chatons de coudrier, de glands, etc. Au printemps, ils passent dans les taillis plus clairs, pour y brouter les bourgeons et les feuilles naissantes des arbres ; cette nourriture qu’ils prennent avidement les enivre de manière qu’ils ne savent où ils vont, et qu’ils sont aisés à surprendre. En général, les chevreuils mangent avec moins d’avidité que les cerfs ; ils ne broutent pas indifféremment toutes sortes d’herbes, et ils vont rarement aux gagnages, parce qu’ils préfèrent la bourgène et la ronce aux grains et aux légumes. Dans les pays du Nord où ces animaux sont en bien plus grand nombre que dans nos contrées, ils sont très-friands d’une substance minérale et bitumineuse, que les Russes nomment beurre de pierre ; et l’on est assuré d’en trouver beaucoup dans le voisinage des montagnes qui produisent cette matière. Leur poil est toujours lustré, parce qu’ils ne se roulent jamais dans la fange comme les cerfs.

Le cri des chevreuils est moins fort, et se fait entendre moins fréquemment que celui des cerfs. Les jeunes poussent une voix foible et plaintive, que l’on imite avec un appeau fait exprès, pour les attirer dans les pièges ou à la portée du fusil. La durée ordinaire de la vie de ces animaux est de douze à quinze ans au plus ; ils vivent moins long-temps en domesticité, même dans les parcs spacieux.

Buffon a distingué deux races ou variétés de chevreuils, les bruns et les roux ; cette distinction copiée et répétée sans examen, selon l’usage, est une méprise. Ce n’est pas que l’on ne voie des chevreuils sous ces deux couleurs ; mais ce ne sont pas des animaux différens, tous les chevreuils étant roux pendant l’été et devenant bruns lorsqu’ils prennent leur pelage d’hiver. Le chevreuil roux est donc le chevreuil avec son habit d’été, et le chevreuil brun est le même animal revêtu de sa fourrure d’hiver ; c’est un fait dont je me suis assuré et que tous les chasseurs pourront vérifier. Un de mes amis a nourri pendant cinq ans, dans un petit parc, deux chevreuils mâle et femelle ; on les voyoit, à l’approche de l’hiver, prendre une teinte brune avec un pelage plus fourré ; et, au printemps, leur poil se dégarnissoit et se coloroit d’un roux très-voisin du rouge ; cette couleur étoit alors si peu adhérente qu’en caressant ces animaux la main se teignoit en rouge. Pour mieux établir la distinction entre les chevreuils roux et les bruns, Buffon dit que les derniers ont une tache blanche au derrière, laquelle manque aux premiers. Cependant, en y regardant bien, l’on trouvera que les chevreuils roux ont aussi cette tache appelée le miroir par les chasseurs ; et si elle est moins apparente, c’est que le poil d’été est plus clairsemé que celui d’hiver. Enfin Buffon ajoute, comme une autre dissemblance, que les chevreuils bruns ont la chair plus fine que les roux ; il est aisé de juger que cela doit être ainsi, puisque toute espèce de gibier a la chair plus savoureuse et plus délicate dans la saison des froids.

Quoique le chevreuil fournisse un excellent mets, la qualité de sa chair varie suivant l’âge et les localités. Celle des jeunes brocards est parfaite, sur-tout lorsqu’ils ont vécu dans des pays secs, élevés, tranquilles et entrecoupés de terres labourables. Les peaux de chevreuils se préparent comme celles des daims, pour être employées en vêtemens, en ceinturons, etc. Dans les pays du Nord où ces animaux sont en très-grand nombre, on fait avec leurs peaux des fourrures communes, mais légères, et qui résistent longtemps à l’humidité.

Chasse du chevreuil. Les bons veneurs qui n’attaquent jamais les biches, font également grâce aux chevrettes. Les connoissances du mâle et de la femelle