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toiles de fil et de coton, le coton cardé, l’éponge, le sable, les terres, le verre pilé, le charbon, les pierres poreuses, etc., toutes ces matières peuvent être employées utilement à cette opération ; mais leur nature et leur pureté doivent être examinées, sur-tout lorsqu’on a des matières salines à filtrer.

C’est au chimiste et au pharmacien à choisir, parmi ces différens filtres, celui qui, en opérant le mieux la clarification du fluide, n’apporte en même temps aucun changement à ses parties constituantes. Or, le choix qu’il s’agit de faire à cet égard doit être déterminé d’après la connoissance qu’on a, et de la nature du fluide, et de celle de l’espèce de filtre qu’il convient d’employer. Si c’est une liqueur aqueuse, vineuse, alcoolique ou huileuse, le papier peut être employé sans inconvénient, pourvu qu’il soit de bonne qualité. Cette dernière condition est de toute rigueur, sans quoi le produit des filtrations est souvent défectueux.

On sait que le papier est une espèce de tissu fait avec la fibre végétale qui a subi différentes préparations. Les molécules de cette fibre, en s’entrelaçant, laissent entr’elles des pores dont la ténuité est toujours relative à l’état où s’est trouvée la pâte au moment où elle a été convertie en papier. Si cette ténuité est considérable, les pores sont bientôt obstrués par le sédiment que dépose la liqueur qu’on veut filtrer ; la filtration alors cesse d’avoir lieu. Au contraire, si les pores sont très-ouverts, la filtration se fait vite, mais toujours d’une manière incomplète, parce qu’en même temps que la liqueur les traverse, elle entraîne avec elle les molécules les plus divisées qu’elle tenoit suspendues, et il n’y a, pour ainsi dire, que les plus grossières qui restent à la surface du filtre. Le grand art est donc de choisir le papier dont les pores aient tout juste la grandeur qui convient pour n’admettre que le fluide qu’il s’agit de filtrer, et aucune des molécules qui troubleroient sa transparence.

On trouve dans le commerce deux sortes de papier qui produisent à peu près cet effet, et quoiqu’elles ne soient pas toujours aussi parfaites qu’on pourroit le désirer, ce sont celles que, jusqu’à présent, on a préférées. L’une, qui est demi-blanche, porte particulièrement le nom de papier Joseph ; l’autre est une espèce de papier gris, mais moins grossière que celui qui sert d’enveloppe à quantité de substances de vil prix ; l’une et l’autre sont sans colle.

La couleur blanche du papier Joseph annonce qu’il a été fabriqué avec une pâte plus pure que celle qui a servi pour faire le papier gris ; les liqueurs, à la filtration desquelles on l’emploie, sont toujours fort transparentes ; mais il a l’inconvénient de se déchirer facilement ; ses pores sont bientôt obstrués, en sorte que les filtrations languissent.

Le papier gris peut servir plus longtemps a fournir aussi des liqueurs claires ; mais comme la pâte avec laquelle il a été fabriqué n’a pas été aussi purifiée que celle du papier Joseph, il communique toujours aux liqueurs une saveur désagréable, due à la dissolution qui se fait des corps étrangers que contient ce papier. C’est précisément pour cela aussi que certains fluides, tels que le petit lait, le vin, les ratafias, et autres liqueurs potables, filtrées à travers le papier gris, ont toujours une odeur et un goût que les organes très-exercés reconnoissent bientôt. Voilà pourquoi, dans le nombre de ces liqueurs, quelques unes sont plus susceptibles de s’altérer que lorsqu’elles ont été filtrées avec le papier Joseph.

La nature du papier est sur-tout à considérer, lorsqu’il s’agit de filtrer des dissolutions salines. Si c’est du papier gris qu’on a employé, il arrive souvent qu’une partie de sa substance est dissoute par leur action, en sorte que la liqueur