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filtrée n’est pas aussi pure qu’on voudroit l’avoir. Cet inconvénient, qui n’est pas aussi sensible lorsqu’on se sert de préférence du papier Joseph, peut encore être diminué, avec la précaution de n’employer de filtres qu’ils n’aient été préalablement lavés à plusieurs reprises avec de l’eau bouillante : un pharmacien exact doit même avoir toujours en provision des filtres ainsi lavés, afin d’y avoir recours au besoin. Josse, auquel on est redevable de beaucoup d’observations importantes, Josse en a reconnu les avantages dans une foule de circonstances. Il a remarqué, entr’autres, que du petit lait clarifié et filtré au travers du papier raisin fluant pouvoit être conservé en bon état pendant plus de quinze jours, en le filtrant tous les jours, ce qui n’avoit pas lieu avec le papier gris ordinaire, quoique préalablement lavé.

Par un effet tout contraire, différens sucs de plantes se sont conservés transparens et en bon état, sans passer à l’état acide, pour avoir eu soin de les filtrer tous les jours à travers le papier gris ; on a observé seulement que leur couleur étoit devenue plus intense les premiers jours, et qu’ils s’étoient ensuite décolorés insensiblement.

Mais si la nature des filtres est à considérer, leur forme et leur position ne sont pas non plus indifférentes. Pour qu’un filtre de papier puisse produire la plénitude de ses effets, il ne faut point qu’il adhère par tous ses points sur la surface du support qui le reçoit, autrement la filtration seroit bientôt interrompue. On évite cet inconvénient en le pliant en différens sens ; mais comme les plis sont bientôt déformés, quelques personnes préfèrent placer entre le support et le filtre des brins de paille ou des tubes de verre. J’avoue que ce dernier moyen ne m’a pas toujours réussi, et j’ai remarqué que les plis faits aux filtres produisoient autant d’effet que les brins de paille et les tubes. En Allemagne, on a pour cet usage des entonnoirs cannelés à leurs parois intérieures.

Il arrive un moment où, quelles que soient les précautions qu’on ait prises, la filtration languit et finit par être entièrement interrompue : cet effet a lieu lorsque les pores du papier sont tellement obstrués qu’ils ne permettent plus le passage du fluide. Quelquefois on vient à bout de prolonger la filtration, en imprimant à l’entonnoir un léger mouvement circulaire ; mais cet effet est de courte durée, et il n’y a pas d’autre parti à prendre que de changer le filtre. Il paraît que, jusqu’à présent, on n’a trouvé aucun moyen pour remédier à cet inconvénient, qui existe pour tous les filtres.

On a dit plus haut qu’on se servoit aussi de filtres de draps de laine, de toile et de coton cardé ; ceux de draps étoient autrefois fort employés ; ils sont même les premiers filtres dont on a fait usage : on leur donnoit la forme d’un cône dont la base était tenue ouverte par un cercle qu’on fixoit ensuite sur un cadre avec des attaches. Cette espèce de filtre portoit le nom de chausse d’Hypocrate ; les confiseurs et les liquoristes s’en servent encore pour filtrer les ratafias. Comme on peut lui donner une grande capacité, il est susceptible de recevoir beaucoup de liqueurs à la fois ; mais il débite peu : souvent même il faut attendre long-temps avant que la liqueur passe claire : c’est ce qui fait qu’on n’y a recours que lorsqu’on ne peut pas s’en procurer d’autres.

Cependant, quand il s’agit de filtrer les sirops, on se sert des draps de laine ; mais alors, au lieu de leur donner la forme d’une chausse, on se contente de fixer l’étoffe sur un carrelet, en L’attachant par les quatre coins à des pointes qui sont disposées pour cela ; on verse dans son milieu, pour faire toujours un peu la poche de sirop bouillant, et souvent,