découvert, car l’action de l’air est nécessaire pour opérer promptement et complètement cette précipitation. Cependant, quoique l’usage de filtrer les eaux destinées à servir de boisson remonte à la plus haute antiquité, il faut l’avouer, les fontaines établies pour cet objet ne les dépouillent pas seulement du limon qui troubloit leur transparence, elles les dépouillent encore d’une surabondance d’air dont elles sont quelquefois imprégnées ; surabondance qui constitue leur légèreté, leur gratter, en un mot, la supériorité qu’a l’eau de la Seine sur toutes les eaux des rivières connues. La preuve que cela est ainsi, c’est qu’à force se réitérer les filtrations, on pourroit rendre l’eau la plus parfaite, considérée comme boisson, fade, lourde et malfaisante.
Ainsi, lorsqu’on a voulu déterminer la pesanteur spécifique de l’eau de la Seine, il auroit fallu aller la puiser à la rivière un jour où elle est limpide, ou bien la laisser éclaircir par le repos, et ne pas choisir de préférence celle qui a été filtrée ; Car si cette opération rend les eaux plus claires, elle leur apporte des changemens notables, en les privant, comme on vient de le dire, de l’air qu’elles contiennent par surabondance.
J’ai connu une personne dont le palais étoit tellement exercé, qu’elle savoit distinguer au goût une eau filtrée à travers le sable, et la même qui ne l’avoit pas été. Cette dernière lui sembloit plus sapide et plus légère ; ce qui provient sans doute de la privation de cet air ; privation dont il est aisé de s’apercevoir plus sensiblement encore sous le récipient de la machine pneumatique.
Quelques hommes intéressés à soutenir le contraire de ce qui précède, ont avancé que si l’eau étoit continuellement obligée de traverser dix pieds de sable et de gravier, de bas en haut, elle seroit en état de produire, avec le poids des matières hétérogènes, un effet capable de contribuer à l’épurer parfaitement, c’est-à-dire, à la dépouiller de ses sels ; la préoccupation était si grande que, pour appuyer cette idée, on a fait le raisonnement suivant :
Si ces filtres sont suffisans pour dépouiller l’eau de son air, pourquoi cette opération, la filtration, ne seroit-elle pas également propre à lui enlever les sels dont elle est chargée ? Mais on n’a pas fait attention que ces sels, tenus en dissolution dans l’eau, étant spécifiquement plus pesans, se filtrent avec elle par les plus petits canaux, tandis que l’air, spécifiquement plus léger que l’eau, et s’y trouvant sous un autre état que n’y sont les sels, s’en sépare aisément ; on a voulu, dernièrement encore, appliquer la filtration à l’eau de mer, dans la vue de la rendre potable ; le moyen a été même annoncé au Gouvernement comme neuf et ingénieux : il consistoit en une filtration qui s’opéroit forcément de bas en haut.
Mais l’union des matières salines à l’eau n’est pas une division purement mécanique ; elles ne s’y trouvent pas interposées, comme quelques physiciens l’ont prétendu, mais parfaitement dissoutes dans l’eau, et jouissant de la même fluidité : ces sels deviennent par conséquent susceptibles de passer à travers les filtres les moins poreux. Il n’y a donc que l’état vaporeux donné à l’eau qui puisse la séparer des substances salines qu’elle tient en dissolution, et tous les intermèdes autres que la distillation, n’opéreront jamais aucun effet satisfaisant. Mais continuons l’examen des effets généraux de la filtration.
Indépendamment des filtres dont on vient de parler, on se sert encore, pour clarifier l’eau, de pierres à filtrer. Il y en a de plusieurs espèces : elles sont très poreuses, parce que le grès entre pour la plus grande partie dans leur compo-