Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/488

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donner en entier, à moins qu’ils ne soient gonflés par un commencement de cuisson ; mais au moment où l’on touche au terme de l’engrais, et que l’animal n’a plus une grande énergie, il faut faire moudre grossièrement ces semences sans les bluter, en délayer la farine dans l’eau, et la convertir par la cuisson en une bouillie claire, qu’on épaissit à mesure qu’on approche du terme de l’engrais. Un excellent moyen d’administrer les grains aux cochons, est de les laisser tremper pendant vingt-quatre heures ; ensuite on les fait bouillir ; ils absorbent une grande quantité d’eau. Lorsqu’ils sont bien gonflés et qu’ils s’écrasent sous le doigt, on les met dans une cuve où ils fermentent pendant deux jours, avant de les faire distribuer ; cette manière est beaucoup plus profitable que de les moudre. On en fait autant pour les légumes.

Je sais parfaitement bien que les alimens crus et à la température de l’atmosphère devroient être préférés, puisqu’ils sont plus conformes à la nature, et que les cochons livrés à l’état sauvage n’en mangent pas d’autres ; mais il n’en est pas moins vrai de dire que beaucoup de ces alimens acquièrent plus de perfection par ce moyen, qu’ils sont plus commodes à administrer, et entrent beaucoup mieux dans les mélanges et la composition des bouillies ou pâtées propres à favoriser l’engrais ; d’ailleurs, l’état de domesticité admet d’autres formes, d’autres précautions et d’autres calculs dans la distribution de la nourriture aux animaux.

Commerce des cochons. Le cochon a eu plus de vogue autrefois qu’il n’en a aujourd’hui : il formoit un des principaux articles du commerce de la Gaule, les forêts immenses, dont ce pays étoit couvert, permettoient d’élever sans frais un assez grand nombre de ces animaux pour fournir le lard, les jambons et la salaison à toute l’Italie. Insensiblement nos premiers aïeux portèrent le goût de la cochonnaille par-tout où ils s’établirent.

Les gros et petits cultivateurs qui proportionneront le nombre de cochons à celui de leurs bestiaux et de leur exploitation, en tireront toujours un parti avantageux pour les besoins de leur ménage, s’ils ont le bon esprit sur-tout de ne multiplier que la race qui, dans le plus court délai et avec le moins de dépense possible, parvient à donner les verrats les plus vigoureux, les truies les plus fécondes, et les élèves les plus faciles à prendre l’engrais, à fournir le petit salé, ainsi que le lard le plus abondant et le plus parfait.

Le tableau des dépenses nécessaires pour donner aux cochons les qualités qui rendent ordinairement leur commerce praticable, sera toujours très-fautif, puisque, dans des endroits, on engraisse ces animaux avec des fèves, des pois et des haricots ; et dans d’autres, avec le seigle, l’orge, le sarrasin, le maïs, les fruits sauvages et les racines potagères ; denrées qui toutes ont des prix trop variés pour en déterminer la valeur réelle.

Quand bien même on ne retireroit de la vente des cochons que les dépenses qu’ils auront occasionnées, on y gagnera toujours le fumier qu’on en obtiendra. Ne nous lassons pas de le dire, ces animaux seront toujours une source bien précieuse de richesses dans les campagnes, dès que les hommes estimables qui les habitent emploiront, pour les nourrir, les gouverner et les engraisser, des combinaisons plus raisonnées, et une foule de matières alimentaires incapables, sous toute autre forme, de procurer autant d’utilité et d’argent

Tout sert dans le cochon : la chair nouvelle, fumée ou salée, le sang, les intestins, les viscères, les pieds, la lan-