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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/489

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gue, les oreilles, la tête, la graisse, le lard, parent les festins de nos grandes communes, et deviennent souvent la base et l’unique ressource des meilleurs repas champêtres. Les soies dont ces animaux sont couverts fournissent des vergettes et des pinceaux ; leurs peaux fortifient les malles, et on en fait des cribles ; enfin, le fumier de leur litière est très recommandé pour l’engrais des terres légères et sèches.

Beaucoup de ces objets, dont la préparation a créé, dans les grandes cités, un art particulier, sont devenus, en ce genre, un foyer de richesses. Bientôt, sans doute, les Juifs et les Mahométans oseront toucher les cochons et s’en nourrir ; alors il n’y aura pas de nations qui n’y trouvent les avantages que nous en retirons, puisqu’il n’existe point de terrains qui ne soient susceptibles de produire de quoi nourrir amplement ces animaux et les engraisser.

Il seroit possible, en effet, qu’après avoir été repoussés par ces deux peuples, comme article de religion, les porcs devinssent chez eux aussi précieux qu’au Mexique, et que les propriétaires, en les conduisant au marché, leur revêtissent les pieds d’une espèce de bottine pour les moins fatiguer, tandis que, selon l’histoire, les conducteurs font le même chemin pieds nus.

La chair du porc est le mets le plus recherché à Madère. Lorsque les cochons sont encore jeunes, on les marque et on les laisse ensuite dans les montagnes, où ils prennent un caractère sauvage, et se nourrissent principalement de racines de fougères, qui leur donnent un goût excellent ; et quand on veut les prendre, on les chasse avec des chiens.

Nous ne nous arrêterons pas à indiquer ici la manière de préparer tous les mets dont le cochon fait la base ; mais il est une opération à laquelle on le soumet, après qu’il est tué, qui mérite une place ici ; c’est sa salaison.

La viande du porc se sale très-bien et offre de grandes ressources dans les voyages de long cours, dans les armées de terre et de mer, dans tous les ménages, et sur-tout au printemps, où le cochon frais est ordinairement fort cher.

Mais on doit observer que le choix du sel n’est pas ici une chose indifférente pour la bonté des viandes conservées par ce moyen antiputride, et que c’est à celui qui provient de la fontaine de Salies, que les salages du Bigorre et du Béarn, connus sous le nom de jambons de Bayonne, doivent leur juste réputation.

La saison la plus favorable pour saler indistinctement toutes les viandes est l’hiver ; préparées dans un autre temps, elles ne sont point susceptibles de conservation. Le porc n’absorbe jamais plus de sel qu’il n’en faut, pourvu qu’il soit parfaitement sec, bien égrugé, et qu’on ne le laisse point avec des épices et des aromates, à moins cependant qu’on n’ait dessein de mariner la viande ; c’est-à-dire, de l’attendrir et de lui ôter son goût de sauvagine à la faveur du vinaigre.

Dès que le porc est tué, refroidi et découpé, on garnit le fond du saloir d’une bonne couche de sel ; on étend chaque morceau après l’avoir bien frotté tout autour de sel ; on fait un premier lit des plus gros morceaux, sur lequel on en jette encore ; puis un second, et ainsi de suite ; les autres pièces les moins en chair, comme oreilles, tête et pieds, occupent le dessus.

Le tout étant distribué et arrangé, on recouvre la partie supérieure d’un lit copieux de sel ; ou ferme exactement le saloir de manière à empêcher l’accès de l’air extérieur pendant six semaines environ.

Dans l’île de Sandwick, la salaison des porcs se pratique ainsi : ou tue l’animal