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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/499

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les villes d’Orange et d’Avignon la culture de la garance ou lizary de Smyrne et de Chypre, dont j’avois engagé l’administrateur Bertin à tirer directement des graines, et à en faire présent aux habitans qui, actuellement, nous en vendent annuellement plus de douze mille balles, et conservent à l’industrie normande, non seulement la teinture du bon rouge de Turquie, mais encore la filature de tous les cotons de nos colonies ; ressources inappréciables pour une aussi nombreuse population que la nôtre. »

Ce fabricant, enflammé de l’amour de son pays, n’avoit pas seulement circonscrit ses recherches dans la nomenclature des plantes propres à la teinture ; il étoit parvenu à faire prospérer, dans son domaine, des végétaux qui sembloient n’avoir pas été destinés pour le climat du canton qu’il habitoit ; il devoit particulièrement ce goût pour la culture des arbres étrangers, à Malesherbes, à ce philosophe qui ne travailloit que pour éclairer son siècle, et enrichir la postérité du fruit de ses dépenses, de ses soins, de ses méditations.

De quelle douleur tous les gens de bien n’ont-ils pas été pénétrés, en apprenant le sort qu’il a subi ! Si quelque chose a pu les consoler d’un événement qui a été pour la France une vraie calamité, c’est l’espérance qu’un jour une statue sera élevée à Malesherbes, qui a honoré la nature humaine par ses vertus, ses longs travaux, son amour ardent pour la liberté, et son dévouement au malheur.

Sans vouloir examiner ici quelles sont les fonctions de l’écorce dans l’économie végétale, j’observerai que cette partie paroît être spécialement le siège du principe colorant. En effet, la couleur rouge que l’orcanète donne aux corps gras ou huileux dans lesquels on fait infuser cette racine, dépend de son écorce ; c’est par elle que la garance et la gaude sont teignantes. La plupart des baies, les raisins, par exemple, n’ont de couleur que dans leur pellicule. Peut-être la matière de l’indigo existe-t-elle dans la pellicule qui revêt les feuilles et les tiges de l’anil. Ainsi, depuis l’écorce épaisse de la plus grosse racine, jusqu’à la membrane mince de la semence la plus imperceptible, cette partie des végétaux est d’une nature différente de la substance qui s’en trouve recouverte. Il seroit donc à désirer qu’un bon esprit comme Dambourney pût, avec sa patience et sa sagacité, se livrer à chercher dans les écorces des ressources pour la teinture.

Déjà quelques expériences prouvent que les coques de marrons d’Inde peuvent être employées utilement dans la teinture. Mon collègue Desmarets m’a assuré que les deux enveloppes de la châtaigne qu’on jette communément au feu, contenoient une matière tinctoriale ; qu’elles teignoient en marron léguer les linges dans lesquels ces fruits étoient renfermés, au point que la fermentation qu’éprouve le chiffon dans le pourrissoir, et tous les lavages de la trituration dans les piles des moulins à papier, ne parvenoient point à enlever cette couleur ; que ce chiffon étoit destiné, en conséquence, à la fabrication du papier Lombard ; d’où il est naturel de conclure que l’écorce de la châtaigne seroit en état de donner une couleur très-solide, sans qu’il fût nécessaire d’employer aucun mordant. La teinture peut donc mettre à contribution beaucoup de végétaux qui ne sont pas cultivés dans cette intention. Il semble que les arbres et les arbrisseaux qui ont pour fruits des baies pourroient devenir utiles à nos fabriques. Celles du nerprun ordinaire, après avoir subi une préparation, donnent la couleur que les peintres appellent vert de vessie. Ce