Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/558

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cette position gênante, l’oiseau qui a les serres et le bec libres, s’agite, pousse des cris plaintifs, et attire bientôt autour de lui une foule de corneilles, qui semblent vouloir lui donner du secours. Mais la prisonnière, en cherchant à se tirer d’embarras, saisit avec son bec et ses pattes celles qui se mettent à sa portée, et les retient sans lâcher prise, jusqu’à ce que l’oiseleur vienne les lui enlever.

On n’emploie communément les filets, pour prendre des corbeaux et corneilles, que dans une espèce de trébuchet fait sur le modèle de celui qui est connu sous le nom de piège à rossignol. Cependant c’est avec des filets tendus dans la neige, que les Groënlandais, au moyen d’appâts placés au centre de l’embûche, enveloppent des bandes nombreuses de ces oiseaux. Je serois assez porté à croire que dans des cantons qu’ils fréquentent beaucoup, on pourroit leur tendre avec succès, sur-tout pendant les neiges, les nappes à canards, en plaçant au milieu de la forme l’appât d’une charogne ; peut-être aussi en se servant, pour appelant ou appeau, d’une corbine on corneille vivante, attachée par les ailes de la manière que j’ai indiquée ci-dessus. Au reste, voici la construction du trébuchet employé vulgairement : le châssis, qui en fait la base et sur lequel est monté un filet dont la force et la grandeur sont proportionnées à celle de l’oiseau, est formé par l’assemblage de quatre petites pièces de bois de neuf lignes d’équarrissage. Les deux montans ont dix-huit pouces de long et les deux traverses dix, ce qui forme un rectangle ou carré long, dont la hauteur est presque double de la largeur ; parallèlement à un des grands côtés est monté un cylindre qui a aussi environ neuf lignes de diamètre, et dont l’axe, formé par deux pointes, s’engage dans deux trous placés aux extrémités correspondantes des deux traverses ou petits côtés ; autour de ce cylindre et sur le milieu de sa longueur, un fil de fer est roulé en spirale et enfoncé par une de ses extrémités au centre du rouleau retenu par l’autre bout dans le montant du châssis : il forme le ressort connu sous le nom de ressort à boudin, qui se serre et se roidit lorsqu’on force le cylindre à rouler sur son axe. Dans ce cylindre ainsi monté, on implante avec force les deux bouts aiguisés d’un fort fil de fer coudé carrément, lesquels, enfoncés à chaque extrémité du rouleau, forment avec lui un second châssis qui bât-sur celui de bois et lui sert de recouvrement. On attache alors près des branches du fil de fer qui forme trois des côtés de ce second châssis, et sur le quatrième grand côté de bois le long duquel joue le cylindre, un fil de la même force que celui qui fait le ressort de la machine. Les choses étant dans cet état, l’on conçoit que l’on ne peut ouvrir d’équerre le châssis de fil de fer, qu’il ne fasse faire avec lui un quart de tour au rouleau dans lequel il est implanté ; ce quart de tour opère la tension du ressort à boudin, et si l’on retient le piège en cet état au moyen de petits bâtons disposés en 4 de chiffre, on y pourra prendre les différentes espèces de corneilles en plaçant et amorçant cet engin convenablement. Pour espérer quelque succès de cette chasse, il faut employer un assez grand nombre de ces pièges, et attacher au bâton qui sert de marchette ou perchant au 4 de chiffre, des viandes ou autres substances les plus recherchées des oiseaux pour lesquels on l’aura tendu.

Mais l’inconvénient de cette espèce de piège est que l’appareil en est trop apparent, et peut aisément exciter la méfiance des oiseaux. Cette considération a déterminé M. Clavaux à s’occuper des moyens de le perfectionner, et de chercher une construction dans laquelle les pièces ou châssis qui doivent envelopper le gibier