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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/575

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nieuse de les défendre ; on les couvre de longs roseaux, chouins ou massettes, et autres plantes aquatiques que les marais mouillés produisent en abondance ; on les contient par des perches saisies elles-mêmes par des crochets de bois enfoncés dans la terre. L’eau glisse sur les roseaux, monte, descend, sans endommager les levées. On laisse ainsi ces digues sous enveloppe, si j’ose ainsi parler, pendant tout l’hiver. Les roseaux, les plantes, pourrissent, forment du terreau, et, au printemps, on voit avec étonnement succéder à ce lit de roseaux secs et jaunâtres de beaux gazons, une belle verdure.

Il est bon de répéter cette opération pendant plusieurs années. Elle n’est pas dispendieuse, les marais mouillés étant toujours pleins de ces roseaux.

Coupes transversales. Souvent les eaux extérieures qui menacent les digues tombent par torrens des montagnes. Alors plusieurs coupes transversales, ou fossés parallèles arrêtent, brisent l’impétuosité du torrent.

Chaussées parallèles aux digues ou levées. Plus souvent, dans les plaines, les eaux s’étendent sur une large plage, un lac, un étang, un fleuve. Poussées par les vents, elles roulent de longues lames qui, accélérées dans leurs cours, renversent, surmontent tous les obstacles. Il faut élever des chaussées parallèles à la première, qui brisent le flot et garantissent la levée principale.

Moyens employés pour les digues de la Durance. Je ne dois point omettre un moyen pratiqué dans la ci-devant Provence, pour contenir les eaux de la Durance, auxquelles on n’a à opposer que des digues faites avec un terrain sablonneux et mouvant, mais qui contient cependant quelques terres végétales.

On plante sur ces chaussées un rang d’arbres aquatiques, frênes, bouleaux et autres. À trois ans, un coup de hache coupe à moitié épaisseur, et à trois pieds de terre, la tige même de l’arbrisseau. Il se renverse, et sa tête tombe au dessous du pied et des racines. Bientôt la cicatrice se forme, mais l’arbre ne se relève pas. Les branches opposent toujours une molle résistance à l’action des eaux qui viennent y déposer le limon qu’elles charroient, les branches enfouies deviennent des racines, et poussent de nouveaux jets. Les années suivantes, un nouveau rang d’arbres est planté, et le fleuve vaincu est forcé d’enchaîner lui-même ses propres eaux.

C’est ainsi que le foible roseau résiste à la tempête, tandis que le chêne est abattu. Rien n’est impossible à l’industrie de l’homme secondé par le travail.

Passons maintenant à l’art même de construire les digues.

Construction des digues. Les digues ou chaussées, comme un mur de circonvallation, doivent contenir l’ennemi (les eaux extérieures.)

Il faut connoître la force de cet ennemi, calculer le volume des eaux, la rapidité de leur cours, la direction des vents qui peuvent ajouter à leur choc, afin de leur opposer des moyens suffisans de défense, par la hauteur et la force des digues.

Avant d’aller plus loin, définissons les mots que nous employons, afin d’éviter toute confusion dans les idées.

Une digue, chaussée ou levée a toujours la forme d’un cône tronqué. Sa base s’appelle pied, empâtement, son sommet s’appelle la couronne, ses côtés sont les flancs, le fossé extérieur d’où, l’on a tiré la terre, s’appelle la ceinture. S’il y a un second fosse en dedans, c’est la contre-ceinture. La lisière des terrains qui borde les canaux, les ceintures, contre-ceintures, sont appelées francs bords. Ces noms sont consacrés à la chose qu’ils désignent, et je les préfère à ceux de both contre-both, qui nous viennent des