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Hollandais, et que chacun entend à sa manière.

Quand on élève une digue, il faut non seulement calculer la force, le volume des eaux, mais encore la nature du terrain qu’on peut employer.

Si la terre est forte, argileuse, il faut moins donner d’empâtement, de base aux digues ou levées, moins de largeur à la couronne, moins de talus à ses flancs.

Si l’on manie des terres légères et calcaires, mélangées de détritus de végétaux, il faut alors tracer de larges chaussées, donner peu de pente aux talus des flancs, afin de prévenir les éboulemens. Ce seroit une erreur de vouloir appliquer ici les règles ordinaires du calcul. Il ne s’agit point d’un rempart, d’un mur de fortification, où l’on emploie la pierre, la brique à volonté. Vous n’avez ni le choix des moyens, ni celui des matériaux. Vous ne pouvez pas faire la loi, il faut la recevoir, il faut capituler avec la nature ; voilà la seule règle qu’on peut prescrire.

La force des digues ou chaussées doit être en raison composée du volume des eaux, de leur rapidité, du plus ou moins de force et de ténacité des terres qui servent à les contenir.

J’ai donc dit, avec raison, qu’il falloit, pour faire un grand dessèchement, un coup d’œil exercé, une grande connoissance du terrain. Ici, le plus habile ingénieur seroit en défaut. Il faut consulter l’habitant du pays, celui qui, comme l’arbre des forêts, a pris racine sur le sol, et le connoît par instinct. Cependant les fouilles profondes révèlent presque toujours la qualité des terres des couches inférieures qu’on a à employer.

Mais, en principe général, on ne peut trop donner de largeur aux chaussées eu digues.

Il vaut mieux que les ceintures et contre-ceintures soient larges que profondes.

Il faut se ménager au moins trente pieds de francs bords le long des ceintures et contre-ceintures, afin de trouver toujours la terre nécessaire pour charger et rehausser les levées.

La dépense est plus forte, sans doute, mais les produits sont assurés, si l’on plante en bois les digues, les francs bords même. Tous les bois blancs y viennent avec une inconcevable rapidité, et il n’y a pas de revenu plus certain et plus grand.

Cependant il faut bien se garder d’y laisser venir les arbres en haute futaie ; agités par les vents, cet immense levier soulève, ébranle les levées. Il faut couper la tige des arbres à deux mètres, (six ou huit pieds) les planter par rangs, et on en retire, tous les quatre à cinq ans, d’excellent fagotage. Jamais capital ne fut placé sur la terre à si fort intérêt.

Ce seroit donc une bien fausse économie que de ménager le terrain pour les digues ou chaussées, et de s’exposer à manquer le dessèchement. Les eaux, sont un ennemi contre lequel il faut toujours être en garde. Si on lui permet la plus légère invasion, il s’étend avec rapidité. Jamais donc le principiis obsta, la prévoyance ne fut plus nécessaire, et c’est pour cela même que je ne puis trop recommander d’avoir toujours, sur la tête des digues, des dépôts de terre argileuse, qu’on puisse porter, à volonté, dans les crues d’eau. Souvent quelques paniers de terre, portés dans un endroit exposé, peuvent arrêter une grande inondation, et le propriétaire imprévoyant qui voit, du haut de ses digues, les eaux le menacer et couvrir au loin le sol, voudroit acheter un peu de terre au poids de l’or ; mais ses regrets sont superflus, ses champs sont inondés, ses moissons perdues, et son voisin, plus