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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/577

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intelligent, peut lui appliquer l’utile morale du bon Lafontaine :

Que faisiez-vous au temps chaud ?

Rupture des digues. Moyens de les prévenir. Cependant, comme la prudence ne peut prévenir tous les événemens, je terminerai l’article des digues par indiquer les moyens de remédier à leur rupture.

Si les digues n’ont point été couvertes de roseaux, ce qu’on appelle bardeler, (Voyez page 463) et qu’une crue momentanée les surmonte, on forme, sur la couronne, une rangée de terre d’un pied en tout sens, qu’on appelle cordon, parce que la terre représente un cordon étendu sur le terrain.

Si la force de l’eau rompt une digue, il faut, à l’instant, y jeter des sacs de toile pleins de terre, traverser la coupe par de longues pièces de bois, y jeter de longues claies. Lorsque la lame arrive avec vitesse, il est très-utile d’abattre de grands arbres avec toutes leurs branches, et de tâcher de les conduire en travers de la coupe. Rien ne rompt aussi bien la vague, et alors on travaille plus sûrement avec les bois, les claies, les sacs pleins de terre, enfin avec la terre elle-même dont il faut surcharger tout ce travail.

Il réussit toujours, quand il est pris à temps, et lorsque les gardes, qui doivent veiller jour et nuit, dans les momens de danger, sont munis des instrumens nécessaires, sur-tout quand ceux qui dirigent l’ouvrage ne sont pas effrayés, et sont accoutumés à ces événemens très-rarement dangereux.

Rupture des digues. Cependant, si la rupture des digues étoit si prompte que rien n’eût pu la prévenir, (ce que je crois impossible) si la coupe ou rupture étoit trop considérable, il ne faut plus tenter d’inutiles efforts ; il faut retirer les hommes, les bestiaux, laisser inonder le marais, et quand les eaux sont de niveau, et se balancent au dedans et au dehors, il est alors facile de fermer la coupe[1], parce qu’il n’y a plus de courant. On la bouche le plus tôt possible, puis on ouvre les bondes ou vannes des canaux de dessèchement, (Voyez ci-après) et on vide les eaux intérieures. J’ai vu des blés rester vingt-quatre jours sous l’eau, et en sortir sans aucun dommage, pourvu toutefois qu’il n’y ait pas de grands vents, car alors la vague déracine les blés.

Je crois avoir réuni, dans ce premier article, tout ce qui concerne les travaux utiles pour contenir les eaux extérieures, et repousser l’ennemi au dehors. Passons aux travaux nécessaires, propres à vider les eaux intérieures, et pouvoir cultiver le terrain desséché.


CHAPITRE II.


Canaux intérieurs. C’est ici que le travail doit venir au secours de la nature ; mais il faut toujours qu’une grande connoissance du sol éclaire le premier.

En traçant un canal intérieur de dessèchement, vous avez trois choses à considérer : le niveau des parties les plus basses du terrain, la nature du sol, le volume des eaux à écouler.

Il est hors de doute qu’il faut que le canal destiné à écouler les eaux puisse les contenir, et qu’il puisse recevoir toutes celles que lui portent les canaux ou conduits subsidiaires qui dessèchent le terrain. Si les veines du corps humain sont d’un trop petit diamètre pour contenir le sang, on en diminue le volume par une saignée ; sans cela, il y auroit pléthore ou apoplexie. On ne peut pas diminuer à volonté le volume des eaux,

  1. On peut chasser des pilotis, des pieux qui soutiennent les sacs, les claies, les bois de travers, etc.